«Je voudrais demander pardon. Pardon d’avoir pris à la légère cette crise. Pardon d’avoir regardé légèrement tous ces articles qui essayaient de nous alerter. Je n’ai pas su écouter. Pardon à Dieu pour mon égoïsme.» 

Face à la caméra, les yeux fermés, le pasteur de la Porte ouverte chrétienne Thiebault Geyer peine à retenir ses larmes. Depuis les règles de confinement, il officie depuis un studio qui retransmet le culte en direct sur les réseaux sociaux. Il est l’un des pasteurs de cette église désormais connue de tous pour avoir organisé un rassemblement de 2500 fidèles venus de toute la France et des pays limitrophes, entre le 17 et le 24 février, et qui à l’origine de plusieurs contaminations. Période au cours de laquelle la France était au stade 1 de l’épidémie. L’interdiction des rassemblements, comme cette réunion évangéliste ou, à Paris, le Salon de l’agriculture, n’avait donc pas été encore prononcée.

Le 1er mars, l’Agence régionale de santé du Grand Est a contacté l’Église de la Porte ouverte pour la prévenir de l’infection de deux fillettes, présentes pour le jeûne et les prières du mercredi (295 enfants étaient présents). Dans les jours qui ont suivi cet appel, dix cas ont été testés positifs dans le Haut-Rhin, trois dans les Hautes-Alpes, en Corse et dans La Manche, deux en Ardèche et dans le Lot-et-Garonne, et même cinq en Guyane. Aucune inscription préalable n’était exigée pour la participation de cette semaine, d’où l’impossibilité pour l’ARS d’établir une enquête et de retrouver l’ensemble des participants. Enquête qui a été menée, tant bien que mal et avec retard, par le docteur Jonathan Peterschmitt, responsable de la gestion sanitaire. D’elle-même l’Église de la Porte ouverte décide d’annuler ses cultes.

L’épidémie « est partie de ce rassemblement évangélique »

«En ce moment même, certains de nos frères et de nos sœurs sont à l’hôpital dans des souffrances terribles. Accordons-nous pour eux», a demandé le pasteur Geyer à ses fidèles, avant de les appeler à «soutenir dans la prière» deux des leurs, présents lors du rassemblement, et qui viennent de mourir du virus. Un homme de 83 ans et une femme de 67 ans. Dans cette église inaugurée en 2015, sur le modèle des «mega church» américaines (7 000 mètres carrés), le pasteur Thiebault Geyer est responsable du pôle jeunesse. Le pasteur principal, Samuel Peterschmitt, fils du fondateur de l’Église, Jean Peterschmitt, a lui aussi été testé positif. «Pourquoi moi ai-je été en forme ?» s’interroge Thiebault Geyer, qui y voit un signe du ciel : «J’ai un rôle à jouer.»

Selon Josiane Chevalier, préfète du Grand Est, interrogée sur France Inter, l’épidémie « est partie de ce rassemblement évangélique » et «d’un non-respect des mesures barrières. On paie le prix fort de cette non-prise en compte des mesures de base». Contactée par Le Point, Nathalie Schnoebelen, chargée de la communication de l’Église, rappelle que «durant la semaine du rassemblement Emmanuel Macron était présent à Mulhouse avec du monde autour de lui sans pratiquer de gestes barrières». Elle affirme également avoir été «proactive» dans ses échanges avec la préfecture dans la préparation de cette grande manifestation.

Les signataires se comparent à… Zola défendant Dreyfus

Intitulée «Je défends», une tribune de soutien, refusant la stigmatisation de l’Église et de son pasteur Samuel Peterschmitt, a été signée par plusieurs responsables protestants. Dans ce texte publié sur le site InfoChrétienne, les signataires se comparent à… Zola défendant Dreyfus. « Ce qui est arrivé à la Porte ouverte chrétienne aurait pu arriver dans n’importe quelle Église, n’importe quel rassemblement, n’importe quelle conférence… écrivent-ils. Cela aurait pu nous arriver, à vous et moi. Et on nous aurait accusés pour cela ? ! Si nous vivons l’Évangile tel que Christ l’a présenté et incarné, alors je crois que ce n’est certainement pas nos frères que nous devons attaquer, malmener, mépriser, critiquer… en particulier lorsqu’ils sont déjà à terre, faibles et malades… ». Poursuivant sa contrition, le pasteur Geyer s’est lancé dans une ode au civisme : « Le pays qui nous a servi va mal et toi comment vas-tu ? J’entends des gens qui râlent, mais il faut écouter le président de la République ! »

Saïd Mahrane / Le Point.fr

 

 

 

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