Michel Lobé Ewané, Chroniqueur à Forbes

La corruption de l’Afrique, le mal endémique… Malgré tous les discours, toutes les bonnes résolutions, toutes les promesses, le mal résiste, progresse, anéantit les espérances. Il est de plus en plus dévastateur. Il empoisonne la société, déséquilibre les économies, fragilise les entreprises, détruit les esprits et met en péril tous les efforts engagés pour sortir l’Afrique de la « raque de l’histoire ». Dans de nombreux pays, beaucoup de solutions ont été tentées pour l’éradiquer. Création d’o­ffices anticorruption, de tribunaux spéciaux, adoption de législations spécifiques.           Mais rien n’y fait. Au Burkina, le rapport 2015 de l’Autorité supérieure du contrôle d’État et de lutte contre la corruption (ASCE/LC) épingle la quasi-totalité des institutions, jusqu’à la Présidence du Faso.

L’enrichissement illicite dans l’administration publique et les gouvernants se généralisent en Afrique. Ici des billets du franc Cfa

Au Cameroun, près d’une vingtaine d’anciens membres du gouvernement, y compris premiers ministres, des hauts fonctionnaires, des DG, sont actuellement emprisonnés pour corruption. Mais chacun sait que le mal n’a pas cessé de progresser. Dans les deux Congo, au Gabon, au Bénin, au Nigeria, en Afrique du Sud, en Algérie, les ravages du mal semblent inaltérables. Pas d’immeubles sortis de terre, de villas somptueuses, de véhicule 4×4 qui ne renvoient à des détournements publics au moment même où des projets d’infrastructures sont à l’arrêt, car les caisses de l’État sont vides. Il n’y a pas une région du continent, un pays qui n’ait parmi ses élites des acteurs abonnés au bal des vampires de la république.
L’Union africaine estime que la corruption coûte au moins 25‹% du PIB dans certains pays. Ce sport fait perdre environ 50‹% des recettes fiscales de l’État et a pour conséquence une augmentation des prix qui va jusqu’à 25‹% selon la Banque africaine de développement. Pourtant des hauts fonctionnaires, des ministres et des chefs d’État et leurs proches continuent de s’enrichir grâce à ce fléau.
Or les gouvernements et les entreprises africaines s’exposent de plus en plus à une législation mondiale sévère et à des donneurs d’ordre internationaux tout aussi exigeants.

Les standards mondiaux pour conquérir de nouveaux marchés ou convaincre des investisseurs exigent non plus seulement de la bonne volonté ou de généreuses intentions, mais d’être armé d’outils inédits, mais e•efficaces. Pour accéder à des marchés rigoureux en termes d’intégrité et entrer dans le cercle vertueux qui garantit la pérennité dans les a–aires, il faut sortir de la culture des commissions et rétrocommissions. Les entreprises qui s’y soumettent sont en manque de compétence, en panne d’innovation, inaptes à répondre aux défis du marché et de la concurrence.
Les derniers rapports annuels de Transparency International sur la perception de la corruption laissent penser qu’il n’y a pas eu de progression significative sur le continent au cours des dernières années. L’environnement des a–affaires y est toujours peu favorable. La corruption nourrit un secteur informel où règne le flou et pénalise l’emploi, les coûts de production et le rendement des entreprises.
Comment nos économies peuvent-elles se moderniser dans un environnement où l’état d’esprit de ceux qui sont en charge de conduire cette modernisation est nourri d’archaïsme š? Il faudra sans doute faire des choix radicaux pour arrêter ce bal des vampires. En Chine, 1,2 million de personnes ont été condamnées ces dernières années, et des centaines d’autres exécutées pour cause de corruption. Les États-Unis ont de sévères lois anticorruption, autant que l’Angleterre, avec le UK Bribery Act, ou l’OCDE, avec ses conventions anticorruption. Des dispositions appliquées sans compromis. A l’Afrique d’engager un combat radical contre ce cancer de la corruption.

Michel Lobé Ewané

Forbes

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