Le Premier ministre, Albert Ouédraogo, a accordé dans la soirée du mardi 23 août 2022, un entretien exclusif diffusé à la RTB. Durant plus d’une heure, le chef du gouvernement a abordé avec les journalistes les questions liées à l’humanitaire, la sécurité, la gouvernance, la refondation de l’Etat, etc. avec le chef du gouvernement. Sidwaya vous propose cet entretien retranscrit par sa rédaction.

 Six mois que vous êtes en poste en tant que chef du gouvernement, quel est votre état d’esprit ?

Albert Ouédraogo (A.O. ) : Permettez-moi avant de répondre de saluer les Burkinabè de l’intérieur comme de l’extérieur. De saluer au nom de son excellence le président du Faso l’ensemble de nos compatriotes des villes et des campagnes qui vivent cette situation difficile, qui sont éprouvés en ces moments. Je voudrais avoir une pensée particulière pour les Personnes déplacées internes (PDI), les Forces de défense et de sécurité (FDS), les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). J’ai également une pensée pour tous ceux qui ont payé le prix du sang. Je voudrais exprimer toute la compassion et toute la solidarité du gouvernement envers toutes les victimes. Je voudrais aussi saluer et remercier les amis du Burkina qui, malgré cette situation difficile, continuent de nous accompagner. Pour en revenir à votre question je voudrais dire que je suis un Premier ministre tellement conscient des enjeux liés à sa mission et je voudrais vous assurer que je suis plus que jamais déterminé à mener ce combat avec le peuple jusqu’à la victoire finale.

Ce combat vous ne le menez pas seul, lorsque vous avez pris fonction le 7 mars 2022 vous avez dit qu’il fallait un sursaut patriotique pour remonter cette situation qui n’était pas hors de portée, est-ce qu’aujourd’hui ce sursaut patriotique est au rendez-vous ?

A.O. : Ce sursaut patriotique est en train de se mettre en place. Au niveau du gouvernement nous avons pris la pleine mesure de la situation. Au niveau également des différentes couches de la société, nous constatons une prise de conscience de cette situation, un besoin et surtout, nous avons observé çà et là des appels à l’unité nationale, à l’union sacrée autour du gouvernement pour réussir ce combat.

Quand vous avez été nommé beaucoup ne vous connaissaient pas, vous avez plutôt évolué dans le privé en tant que consultant, désormais vous êtes en charge de toute l’administration publique, est-ce que ce n’est pas un handicap ?

A.O. : Le fait de venir du privé est un atout majeur. D’abord, parce que je n’appartiens pas à un corps au niveau de l’Etat. Donc, ce qui me donne une certaine marge de manœuvre en termes de neutralité. Bien entendu dans les pratiques ce qu’on constate, il y a une tendance du secteur public à prendre en compte ou à copier les meilleures pratiques du privé. Egalement ce que je voulais dire, c’est que la plupart de mes clients, quand j’étais consultant étaient des structures publiques. Donc j’ai une très bonne connaissance de ces structures et presque dans tous les secteurs j’ai eu à faire des consultations. Ce qui fait qu’aujourd’hui je suis à l’aise par rapport aux différents dossiers qui sont soumis au gouvernement.

On dit que l’administration publique est caractérisée par une lourdeur administrative, est-ce que vous en avez fait l’expérience depuis que vous êtes Premier ministre ?

A.O. : Nous avons une administration qui a été héritée de la colonisation. Donc c’est une administration essentiellement de commandement et je constate avec amertume que ce n’est pas une administration de prestation de service. Parce que quand un citoyen se rend dans l’administration, on a l’impression que c’est obligé. Il est parfois traité avec beaucoup de mépris, je dirai même maltraité. Donc aujourd’hui nous devons évoluer vers une administration de services. Ce que nous avons aussi pu noter, l’une des tares majeures de l’administration publique c’est l’instabilité institutionnelle. Il y a le plus souvent des changements au niveau des départements ministériels, de personnes et cela donne l’impression de perpétuels recommencements. La question de la lourdeur administrative est une réalité. Je constate avec beaucoup d’amertume qu’au niveau de l’administration publique certains agents n’ont pas encore pris la mesure de la situation, de l’urgence dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Certains pans de l’administration continuent toujours à fonctionner comme si on était en situation normale. L’absentéisme, on continue d’aller en retard au travail. On continue de gérer les dossiers comme avant, c’est vraiment regrettable. Dans l’administration, nous avons des agents qui sont dévoués à la tâche, qui ont pris la mesure de la situation. Il faut également saluer les efforts des gouvernements précédents en matière de modernisation de l’administration. Parce que quand on compare avec d’autres administrations publiques on peut dire que l’administration publique burkinabè est un peu en avance par rapport à d’autres dans la sous-région ouest-africaine et même au-delà.

Nous savons qu’en tant qu’étudiant, vous avez été militant de l’Association nationale des étudiants du Burkina (ANEB) qui est reconnue comme une structure de revendication sur le campus, n’avez-vous pas le sentiment de trahir ses convictions syndicales aujourd’hui ?

A.O. : Non pas du tout. Dans mon parcours de militant quand j’étais au secondaire, j’ai d’abord été un militant de l’Association des élèves du secondaire de Ouagadougou (AESO). J’ai même été le président en 1987-1988. Tout naturellement quand je suis arrivé à l’université j’ai milité dans l’ANEB, j’ai occupé des fonctions au niveau du comité exécutif : trésorier, vice-président. J’étais un militant actif et pour cela j’ai été victime de répression. Parce qu’il vous souviendra qu’en 1990 il y a eu une grève au niveau de l’université et j’ai été avec d’autres camarades exclus, pourchassés et recherchés même. Malheureusement nous avons perdu un camarade qui a été assassiné le 19 mai 1990 pour lequel, la justice n’est pas encore rendue. On ne sait pas où il a été enterré, on ne connait pas les coupables. Je parle de Dabo Boukary. Nous continuons toujours à demander justice et je suis heureux de voir que le dossier « Dabo Boukary » est programmé pour être jugé au mois de septembre 2022. Par rapport à ma nomination au poste de Premier ministre, ce n’est pas un reniement de mes convictions syndicales. Au contraire, parce que l’ANEB, le mouvement étudiant d’une façon générale est une école qui a su cultiver en moi un certain nombre de valeurs. Au-delà du leadership, c’est une école aussi qui cultive le courage, le patriotisme et je pense qu’aujourd’hui plus que jamais j’en avais besoin pour assumer cette lourde charge. Je voudrais dire à mes anciens camarades, ceux qui sont encore dans cette organisation que je n’ai pas changé. Je suis le même qu’ils ont connu dans les années 1990 , toujours déterminé, engagé, prêt à défendre ses convictions. Vous avez été étudiant à l’université de Ouagadougou, vous avez également enseigné dans cette université pendant une dizaine d’années, il nous revient que parmi vos anciens étudiants il y en a qui sont des cadres dans les administrations publiques et privées.

Il y en a même qui sont des membres du gouvernement, confirmez-vous cela ?

A.O. : Effectivement j’ai commencé à enseigner à l’université dans les années 1996-1997 après la maitrise que j’ai obtenue en gestion des entreprises. J’étais parmi les meilleurs étudiants. J’ai obtenu une bourse pour aller faire un diplôme de troisième cycle en science de gestion parce qu’à l’époque il y avait un besoin énorme. Il y avait un manque d’enseignants en matière de science de gestion. Donc, lorsque j’ai obtenu mon diplôme d’étude approfondie il m’a été demandé de revenir enseigner. Donc je l’ai fait parallèlement à la thèse de doctorat. A l’époque compte tenu du besoin, j’étais obligé d’enseigner plusieurs matières : la comptabilité, le contrôle de gestion, la stratégie d’entreprise, la gestion financière. Aujourd’hui effectivement, j’ai enseigné à l’université, mais aussi dans les écoles supérieures privées. Toutes les écoles supérieures privées qui ont été créées entre 1998 et 2000, je les ai vues naitre et j’ai été parmi les premiers enseignants. Donc, j’ai effectivement beaucoup d’étudiants qui sont des cadres dans l’administration publique, mais également dans les entreprises privées, les banques et même dans le gouvernement précèdent comme celui actuel. Donc, je suis fier aujourd’hui de voir que j’ai pu apporter quelque chose et permettre à des personnes de devenir des cadres. Ce qui me réjouit davantage, c’est que j’ai aussi des anciens étudiants qui sont devenus des professeurs ; donc la relève est assurée. Nous allons parler de la question sécuritaire qui empêche aujourd’hui les Burkinabè de dormir avec près de deux millions de déplacés internes, des attaques quasi quotidiennes.

Six mois après l’installation de la Transition, quelles sont les actions entreprises par votre gouvernement pour endiguer ce terrorisme et surtout pour reconquérir les territoires perdus ?

A.O. : Lorsque nous avons pris fonction, juste après la prise de contact lors du premier Conseil des ministres, nous avons eu droit à un exposé sur la situation sécuritaire, notamment la nature de la menace. Au cours de ce Conseil, il nous a été demandé de prendre des mesures non militaires, notamment pour ce qui concerne l’assèchement des sources de financement du terrorisme. Après cela, nous avons pu avoir auprès des ministères, des propositions de mesures que nous avons formulées sous forme de plan et que nous suivons régulièrement. Donc, tous les mois nous nous retrouvons en Conseil de cabinet pour examiner ces questions. Parmi les mesures, il y a la question de la suspension de l’importation des motos de type Aloba ( …) et autres. Il y a également des mesures liées à la circulation de ces types de motos, à la suspension de l’importation des explosifs. Il y a bien d’autres mesures que nous sommes en train de mettre en œuvre et qui contribuent à l’assèchement des sources de financement du terrorisme. Tout récemment nous avons intégré d’autres mesures que nous suivons, notamment la sécurisation des sites stratégiques. Pour certains départements ministériels. C’est extrêmement important. Il y a aussi la question de la réforme des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), la brigade de veille et de défense patriotique. Les VDP ont beaucoup contribué à cette lutte contre le terrorisme. Donc aujourd’hui il faut que nous revoyions le format pour qu’il soit plus efficace. La réforme va consister à mettre en place des groupes communaux de veille et de défense patriotique à l’échelle communale. Nous visons 304 communes. Mais ici la philosophie va être d’abord de faire en sorte qu’il y ait une diversité communautaire. La composition de ces groupes doit refléter la diversité communautaire au niveau de la commune. Parce que nous avons constaté une sorte de communautarisme qui s’est développée au niveau des VDP. Et cela aussi créé des effets pervers que nous connaissons. Dans cette réforme des VDP, il y a l’aspect financier parce que jusqu’à présent on constate que la rémunération n’était pas à la hauteur de ce qu’ils font sur le terrain. Là aussi, il est envisagé d’octroyer une indemnité forfaitaire minimum. Au moins pour l’instant nous avons des projections de 50 000 F à 60 000f par mois pour ces personnes qui vont faire partie des groupes communaux de veille et de défense patriotique. Je voudrais ajouter qu’il y a toute une série de mesures, celles militaires à savoir, le maillage territorial des zones d’intérêt militaire qui constitue aussi le début du recouvrement du territoire. C’est vrai qu’il y a des difficultés que nous sommes en train de résoudre, mais permettez-moi de revenir sur les questions stratégiques. Au niveau stratégique il y a un certain nombre d’outils que nous avons mis à jour. Au Conseil des ministres, il y a deux semaines, nous avons adopté la stratégie actualisée de lutte contre le terrorisme. Il y a bien d’autres que nous sommes en train de mettre en œuvre avec les plans d’actions, le cadre institutionnel, pour renforcer la lutte contre le terrorisme. La particularité de notre gouvernement, est que nous avons adopté une approche holistique. Chaque membre du gouvernement est conscient que la question sécuritaire le concerne. Il n’y a pas de cloisonnement ; donc tout le monde est impliqué et l’esprit de la stratégie que nous avons actualisée est fait en sorte que tous les départements ministériels soient impliqués dans sa mise en œuvre. Cela fait sept ans que le Burkina est attaqué par les groupes terroristes, cela fait également sept ans que la lutte est menée par les différents gouvernements qui se sont succédé.

Peut-on savoir aujourd’hui qui nous attaque ?

A.O. : Nous avons deux grands groupes. Un groupe qui est très actif dans le sahel et un deuxième qui est à l’intérieur du pays donc au Sahel, au Nord, au Centre-Nord, à l’Est, dans les Cascades, dans le Centre-Sud, etc. Il faut dire qu’au début de la menace terroriste les groupes armés terroristes étaient constitués essentiellement d’étrangers. Mais aujourd’hui nous savons que pour la plupart ce sont des Burkinabè et les étrangers interviennent juste quand il s’agit de certaines actions spécifiques, complexes. Les services de renseignement ont pu aujourd’hui procéder à un profilage des terroristes. Donc, nous reconnaissons les profils types des terroristes. D’abord, le profil de religion qui défend sa religion et qui pense imposer le Califat par les armes et le sang. Il y a le profil du défenseur, dont la communauté a été parfois victime peut-être d’exactions, qui prend les armes pour défendre sa communauté. Parce que lui-même sa survie et celle de sa communauté en dépendent. Il y a aussi le profil du suiveur, qui rentre dans ce combat par simple effet de mode; on note aussi le profil de l’opportuniste qui profite de cette situation. Je pense aux grands bandits qui se sont mués en terroristes. Pour eux, ces attaques constituent une occasion de se faire de l’argent. On peut ajouter également le profil de la victime contrainte. Il s’agit des gens qu’on a forcés à s’engager dans les groupes. C’est important pour nous de savoir tout cela et c’est une avancée pour la connaissance de ceux qui nous attaquent.

A vous écouter, les groupes terroristes sont désormais connus au Burkina. Les revendications le sont-elles également ?

A.O. : Les revendications ne sont pas très claires. Très peu d’attaques sont revendiquées ; donc, on n’a pas vraiment une idée claire de leurs revendications. Mais on a une idée de leur motivation et je viens de parler aussi des profils. Une chose est de les connaitre, une autre est de pouvoir contrer efficacement la menace. Certains Burkinabè commencent à être gagnés par le pessimisme parce que malgré les moyens déployés, on constate des attaques de civils, des destructions de ponts.

Quels sont les éléments qui fondent votre conviction que nous allons gagner cette guerre ?

A.O. : Nous avons décidé, sous la conduite éclairée de son excellence le président du Faso, de nous appuyer sur deux piliers essentiels. Le premier c’est l’action militaire, mais nous savons très bien qu’elle a ses limites. Et comme on le dit, la balle du militaire tue le terroriste, mais ne tue pas le terrorisme. Au niveau militaire beaucoup d’efforts sont consentis pour renforcer les effectifs, les équipements des Forces de défense et de sécurité. Au niveau budgétaire, un effort est fait pour permettre aux opérationnels qui sont sur le terrain de mener les actions. L’autre pilier c’est le dialogue, sur lequel nous fondons beaucoup d’espoir. Ceux qui nous attaquent pour la plupart sont des Burkinabè.

Ce qui nous permet de dire que nous pouvons parler à nos frères et leur dire revenez à la raison. Le Dialogue n’est-il pas une option dangereuse ?

A.O. : Permettez-moi de revenir sur notre philosophie du dialogue. On n’a pas les revendications de ceux qui nous attaquent, mais on connait à peu près les profils. Egalement si on va un peu plus loin dans les villages, dans les communautés on connait ceux (…) qui se sont engagés. Avec le processus de dialogue que nous avons entamé, nous avons opté de parler à nos frères. Pour cela, nous avons choisi de mettre en place des comités locaux de dialogue pour la restauration de la paix. Ils sont constitués de personnes-ressources, des leaders communautaires que même les terroristes respectent et sont prêts à écouter. C’est cela la philosophie du dialogue. Il n’est pas question pour nous de marchander quoi que ce soit. Tout ce que nous pouvons accepter, c’est de leur garantir la sécurité et leur réinsertion et ne pas procéder à des représailles. A ce jour, nous avons mis en place près d’une dizaine de comités locaux de dialogue pour la restauration de la paix et cela fonctionne très bien.

Avez-vous obtenu des résultats concrets ?

A.O. : Il y a des résultats concrets et de l’engouement. Nous nous employons à mettre en place des centres d’accueil pour leur réinsertion socioprofessionnelle. Donc, permettez-moi de terminer sur ce processus du dialogue. Nous sommes dans une dynamique de démobilisation d’abord, de dé-radicalisation, de formation et de réinsertion. Nous sommes dans ce processus qui marche très bien. Nous avons déjà mis en place des centres d’accueil pour la réinsertion socioprofessionnelle des personnes démobilisées. Nous fondons beaucoup d’espoir sur le dialogue parce que tout simplement, beaucoup sont pris dans l’engrenage. Ils ne savent pas comment s’en sortir. C’est sûr, ce dialogue est une fenêtre ouverte pour leur permettre d’y sortir un peu et retrouver une vie normale. Au Conseil des ministres passé, le gouvernement a condamné les messages de haine qui circulent sur les réseaux.

Ces messages ne sont-ils pas de nature à perturber la dynamique du dialogue ?

A.O. : Tout à fait. Je suis entièrement d’accord avec vous, que ce sont des messages qui peuvent perturber la dynamique de dialogue. Et, nous profitons de cet entretien pour condamner une fois de plus ces messages haineux et appeler les Burkinabè à l’apaisement, à la cohésion sociale et à l’union sacrée. Certains Burkinabè estiment aujourd’hui qu’il faut aller vers d’autres partenaires, notamment la Russie.

Partagez-vous cette opinion ?

A.O. : Nous avons des relations de partenariat avec la Russie depuis bien longtemps. Sur la question des partenariats, nous avons toujours dit que nous sommes dans une logique de diversification. La diversification des partenariats repose sur plusieurs principes. D’abord, le principe de liberté. Pour nous, c’est d’aller vers le partenaire qui nous arrange si je peux parler ainsi, quitte à froisser des partenaires historiques. Si certains partenaires ne sont pas contents du fait que nous allons avec d’autres, ce sera à notre corps défendant que nous allons rompre avec eux. Ensuite, la diversification est fondée sur le principe de la sincérité. Il faudra que ce soit des partenaires sincères qui veulent effectivement nous aider et que nous soyons dans une logique de partenariat gagnant-gagnant. Sur la question militaire, le partenariat doit être fondé sur le principe de l’indépendance territoriale. C’est pour dire que dans cette logique de partenariat, il n’est pas question pour nous que des troupes étrangères viennent mener le combat que nous menons à l’heure actuelle, à la place des Forces de défense et de sécurité. Compte tenu de la complexité de la menace, nous avons des partenaires qui sont spécialisés dans les questions de formation, de renseignements et d’équipements. Donc, il s’agit pour nous d’optimiser les atouts de chaque partenaire. En tout état de cause, ce qui est extrêmement important, c’est que nous puissions compter sur nos propres Forces de défense et de sécurité, sur la capacité d’une construction endogène de résilience et de résistance. Et c’est cela en fait notre but. Parlant de diversification des partenaires, de plus en plus de Burkinabè estiment aujourd’hui qu’il faut rompre définitivement avec la France.

Ont-ils penser à une rupture totale d’avec la France ?

A.O. : Effectivement, il y a des questions à se poser. Je comprends leur revendication parce que la France est le partenaire historique et le premier partenaire en termes de chiffres. Mais, il faut également dire que, comme ce qu’un devancier l’a dit, l’aide doit aider à assassiner l’aide. Si depuis des années, cette coopération n’a pas permis d’assassiner l’aide, il faut se poser des questions. Je suis tout à fait d’accord qu’aujourd’hui, il faut effectivement revoir. Il faut également dire que nous, en tant que dirigeants, nous ne pouvons pas continuer à rester sourds et insensibles face à ces revendications. Nous avons des composantes importantes de notre peuple qui le réclament. Donc, il faut bien sûr qu’à un moment donné, nous puissions regarder cela. Je voulais terminer en disant qu’il n’y a pas de problème entre le peuple burkinabè et le peuple français, entre les populations burkinabè et celles françaises. La preuve est qu’il y a des Burkinabè qui vivent en France, en bonne intelligence avec les Français. Autant pour des citoyens français au Burkina Faso. Donc, le problème ne se pose pas en termes de peuple ou de population, mais, peut-être en termes de politique entre gouvernements et de relations de coopération.

Certains Burkinabè condamnaient les propos de l’ambassadeur lors de la célébration de la fête du 14 juillet où il a parlé d’idiots utiles. Comment réagissez-vous à cela ?

A.O. : Comme tous les Burkinabè, j’ai été indigné et outré par les propos tenus par un ambassadeur aussi respectable que Monsieur Hallade et qui représente un pays aussi respectable qu’est la France, que nous appelons affectueusement la patrie des droits de l’Homme, la patrie de la liberté d’expression par excellence. Nous avons mal vécu ces propos, mais il faut dire que le gouvernement a réagi et je ne voudrais pas revenir encore plus sur la question. Le gouvernement a fait un communiqué et l’intéressé s’en est excusé. Mais, permettez-moi de dire une chose. Nous avons une jeunesse africaine, particulièrement burkinabè, qui est devenue de plus en plus consciente, éclairée et décomplexée. Et ceux qui n’ont pas encore compris cela, ce sont eux les vrais idiots.

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