Le Pr Maxime Drabo, membre de l’équipe CHLORAZ

Au Burkina Faso, l’effectif des cas positifs au Coronavirus (Covid-19) grimpe du jour au lendemain, faisant de lui le deuxième pays africain subsaharien le plus touché après l’Afrique du Sud. Face à cette situation, le gouvernement a décidé d’initier deux essais cliniques : la Chloroquine (CHLORAZ) et un phytomaédicament (APIVIRINE). Le Pr Maxime Drabo, membre de l’équipe CHLORAZ nous en dit plus sur leurs travaux.

Lefaso.net : Pouvez-vous nous présenter la structure qui s’occupe de l’essai clinique ?

Il s’agit de l’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS), l’un des quatre (04) instituts du Centre national de recherche scientifique et technologique (CNRST) du Burkina Faso.

Plusieurs sources d’informations font état de la Chloroquine qui soigne les patients du Covid-19. Quelle est la posologie ?

Voici un recensement non exhaustif des essais d’utilisation de la chloroquine dans le cadre du Coronavirus

En 2004, en Belgique, on observe que la chloroquine freine la réplication du virus du Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), in vitro.

En 2005, dans les universités de l’Utah et de Hong Kong, on étudie les effets de dérivés de la chloroquine, mais cette fois chez des souris infectées par le SRAS.
En 2009, en Belgique chez la souris, la chloroquine freine le développement du coronavirus humain OC43

Janvier 2020, en Chine, un essai clinique multicentrique (une centaine de malades répartis dans une dizaine d’hôpitaux chinois) portant sur la chloroquine et deux autres candidats-médicaments (remdésivir et Lopinavir/Ritonavir)

En février 2020, toujours en Chine, selon des experts virologues et pharmacologues de Wuhan (dans Cell Research), la chloroquine et le remdésivir sont — in vitro (en culture de cellule) — individuellement « très efficaces » pour inhiber la réplication du coronavirus (alors que cinq autres médicaments testés ne l’ont pas été).

En mars 2020, en France, un essai clinique d’utilisation de l’association azithromycine-hydroxychloroquine conduit à l’IHU de Marseille par l’équipe du professeur Didier Raoult, a donné des résultats annoncés par le Pr Raoult comme prometteurs, « significativement plus efficace pour l’élimination du virus ».

Notre essai capitalise les protocoles thérapeutiques utilisés précédemment en Chine et en France.

A quand les premiers essais cliniques de la Chloroquine au Burkina ?

L’essai clinique appellé CHLORAZ que l’IRSS va mettre en place en collaboration avec le Centre Muraz et les CHU de Tingandogo et Sourou Sanon est un accompagnement de l’introduction de protocoles thérapeutiques pour les malades de COVID-19 au Burkina Faso. Il a pour but de proposer des schémas thérapeutiques adaptés aux réalités logistiques de notre système de santé (CHU, CHR, CSPS cliniques). Il a pour objectif d’étudier l’efficacité, l’efficience et l’innocuité des protocoles thérapeutiques essayés ailleurs. Il est planifié pour débuter le 6 avril 2020.

Concrètement, il s’agit d’un essai clinique randomisé ouvert à trois bras, effectué au niveau du CHU Tengandogo et du CHU Souro Sanon.

Tous les cas sévères de COVID 19 vont bénéficier d’un protocole thérapeutique à base de chloroquine.

L’essai clinique randomisé ouvert à trois bras concerne les cas âgés de plus de 18 ans, testé positif au Covid-19 et présentant un tableau clinique modéré.

Combien de temps cet essai prendra-t-il et il faudra entendre combien de jours pour les résultats ?

Nous planifions une durée d’un mois maximum pour la première phase de l’étude avec l’inclusion des 30 premiers patients par groupe de traitement qui va nous permettre de donner les premières recommandations au ministère de la Santé sur les conditions d’utilisation de la Chloroquine.

Avez-vous la capacité nécessaire, si les essais sont positifs, de prendre en charge tous les cas positifs au Covid-19 du Burkina ?

Je rappelle que l’essai clinique a pour but de proposer des schémas thérapeutiques adaptés aux réalités logistiques de notre système de santé (CHU, CHR, CSPS cliniques). Si cela est concluant la contribution de tous ces maillons du système de santé à prendre en charge des cas Covid-19 positif va très certainement améliorer l’offre de prise en charge.

Finalement, allez-vous associer les tradipraticiens à ces essais ? Ils se sentent délaisser jusqu’à présent.

Un autre essai clinique sur un phytomédicament (APIVIRINE) est en préparation en parallèle. Les investigateurs dudit essai pourraient mieux vous situer.

Les feuilles du neem soignent-elles le Covid-19 ? Ou bien elles servent de vaccin ?

Je ne peux pas vous répondre car le domaine du phyto-médicament n’est pas ma spécialité.

A ce jour, existe-t-il une recette de grand-mère qui permet de prévenir ou soigner le Covid-19 ?

Je n’en n’ai pas connaissance.

Pour finir, quel conseil avez-vous pour les Burkinabè, qui par peur, essaient de prendre des médicaments ou solutions pour contrer la maladie ?

Il faut absolument éviter l’automédication dans l’application des protocoles thérapeutiques que nous voulons tester dans l’essai clinique en cours. La chloroquine présente une toxicité prouvée sur les systèmes nerveux, cardiaque, hépatique, oculaire et rénal. En effet, la dose thérapeutique de la chloroquine (20mg/kg) est proche de la dose toxique (30mg/kg) qui elle-même est proche de la dose létale (40 mg/kg).

Dans les protocoles testés, la dose journalière administrée pour un adulte de 60 kg variera entre 400 mg et 600 mg par jour pendant 10 jours, soit entre 4000 mg (4g) et 6000 mg (6g) pour toute la durée du traitement. Vous conviendrez avec moi que cela est très élevée.

Alors :

1) Pas d’auto prescription encore moins d’auto administration de la chloroquine aux posologies proposées pour le traitement des cas de COVID-19

2) L’administration doit absolument se faire sous contrôle médical jusqu’à ce que les études proposent des schémas en prise ambulatoire.

Propos recueillis par Cryspin Laoundiki
Lefaso.net

 

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