Après la disparition brutale du président tchadien Idriss Déby ITNA, l’avenir sécuritaire des pays du G5 Sahel est–il plus que jamais menacé ? C’est à cette question que le Président du parti politique le Faso Autrement, Dr. Ablassé Ouédraogo, ancien ministre des Affaires étrangères du Burkina, analyse dans cette tribune. L’intégralité de son opinion ci-dessous.

Dr. Ablassé Ouédraogo, Président du parti Le Faso Autrement

Nos ancêtres nous ont enseigné que «quand on dort sur la natte du voisin on est couché par terre». Et avec la disparition du Maréchal du Tchad Idriss Deby ITNO, Président de la République, le lundi 20 avril 2021, il y a urgence de réfléchir sur le contenu de cet adage et de se poser objectivement des questions sur l’avenir immédiat du G5 Sahel, tant la place et le rôle de ce Président et  chef militaire réputé, pesaient dans cette Institution et sur le terrain sur plusieurs plans. Stratège militaire, engagé personnellement dans la lutte contre le terrorisme au Sahel et dans le Bassin du lac Tchad, il était le pilier de l’échiquier sécuritaire et particulièrement un allier incontournable dans l’opération «Barkhane».

Nous saisissons l’occasion pour saluer la mémoire de cet illustre africain disparu que nous avons pu côtoyer dans des fonctions antérieures.

Et en faisant le parallèle avec la CENSAD après l’assassinat du Guide Mouammar KADDAFFI le 20 octobre 2011 à Syrte, il est à craindre que le G5 Sahel ne vive les mêmes difficultés que cette institution qui œuvre actuellement, tant bien que mal, pour l’intégration régionale. Comme gouverner c’est prévoir, l’on comprendra aisément le bien fondé de notre réflexion.

Cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité, le G5 Sahel a été créé le 16 février 2014 lors du Sommet des Chefs d’État, tenu du 15 au 17 février 2014 à  Nouakchott par cinq États du Sahel : Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad répartis sur 5 097 338 km2.

Son objectif principal est la lutte contre les groupes djihadistes, mais également contre le trafic de drogue, d’armes et de migrants.

L’efficacité de la lutte contre le terrorisme dans l’espace du G5 Sahel est limitée par la faiblesse de ces États – membres, les obligeant à collaborer avec d’autres acteurs. La réalité est que le G5 Sahel est un re-groupement d’États qui sont tous très faibles du point de vue économique, financier, sécuritaire, sanitaire et militaire et cela induit obligatoirement une forte dépendance à l’égard des autres acteurs internationaux.

Cette dépendance ne va pas se réduire miraculeusement dans les prochaines années si l’impulsion politique des pays membres pour la consolidation du G5 Sahel n’est pas massive et effective. Ce qui nécessite de ces pays une volonté politique confirmée et des capacités humaines, matérielles, financières et techniques accrues pour remplir le vide causé par la disparition du Maréchal du Tchad.

Malheureusement au niveau politique, la nouvelle situation qui prévaut au Tchad depuis le mardi 20 avril 2021, ne favorise pas cette dynamique et pire, elle fragilise incontestablement le Sommet du G5 Sahel qui se trouve, ironie du sort, privé de son président en exercice.

Plus inquiétant encore est le fait que la force militaire, pour ne pas dire la force de feu, que représente le Tchad, principal contributeur avec 1.850 soldats sur le terrain dans le dispositif du G5 Sahel pour l’atteinte de ses objectifs risque de connaître des changements qui pourraient déstabiliser toute la région avec un renversement dans le rapport des forces sur le terrain de la lutte contre le terrorisme, notamment dans la zone dite des «trois frontières» (Burkina Faso, Mali et Niger).

Le retrait en cours des troupes tchadiennes (1.200 soldats) déployés sur le terrain dans ladite zone des « trois frontières » à la suite des décisions du dernier Sommet du G5 Sahel tenu à Ndjaména du 15 au 16 février 2020 pour combattre les groupes armés constitue un véritable sujet de préoccupation. Les populations du Sahel se posent des questions sur leur avenir sécuritaire.

Le contexte d’aujourd’hui nous donne encore plus raison quand nous demandions que chaque pays se dote avant tout d’une politique nationale de défense et de sécurité propre et cohérente, qui pourra être complétée et renforcée par les efforts des partenaires de la communauté sous régionale, régionale et internationale.

Le nouveau contexte créé au sein du G5 Sahel finit de nous convaincre que les dirigeants des pays concernés n’ont plus le choix que de travailler à créer le dialogue avec ceux d’en face afin de trouver des solutions idoines pour soulager les populations du Sahel de leurs souffrances.

Ce dialogue, qui devra se faire avec intelligence, pourrait conduire à la résolution de la question sécuritaire, et entrainer de fait  la paix, la stabilité et la confiance, qui toutes choses étant égales par ailleurs, sont indispensables pour asseoir le développement durable dans la région du Sahel, notre vœu le plus partagé.

Pour le Burkina Faso, qui est dans l’œil du cyclone du terrorisme, son  Président serait mal inspiré de penser succéder au Maréchal du Tchad à la présidence du G5 Sahel tant la situation est précaire et volatile mais surtout compte tenu des souffrances endurées par les populations burkinabè lors de son premier mandat à la tête du G5 Sahel.

 «Rien n’arrête une idée arrivée à son heure»                                   

Ouagadougou, le 26 avril 2021

Le Président du Faso Autrement        

Dr Ablassé OUEDRAOGO

Commandeur de l’Ordre National

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