L’occasion m’est donnée à l’issue de la commémoration de la journée internationale dédiée à la lutte des femmes pour la défense de leurs droits, de rendre un vibrant hommage à l’ensemble des femmes du monde entier, aux africaines et singulièrement aux femmes du Burkina qui affrontent quotidiennement les dures épreuves de la vie pour leur épanouissement, le bien-être des membres de leurs familles et le mieux-vivre de la société entière.

En tant que femme, cette date m’interpelle et inexorablement mon cœur saigne face à tous ces préjugés, cette socialisation, ces barrières qui continuent de limiter le bien-être de plus de 52% de la population et irrémédiablement compromettent donc l’essor socio-économique de toute la communauté.

En ma qualité de Médiateur du Faso, défenseur des droits des citoyens, j’exhorte les autorités politiques, administratives, traditionnelles et religieuses à une plus grande volonté et engagement pour faire bouger les lignes de la promotion des droits de la femme et de l’équité du genre dans nos cités.

La question de la femme est si essentielle, sensible et transversale qu’elle ne saurait être noyée entre les actions sociales, sanitaires, humanitaires ou autres. Tout en étant une question globalisante, qui touche tous les secteurs de la société, son traitement ne saurait l’être au risque de la rendre assimilable à l’envol recherché d’un Albatros. Hélas !

Il serait inimaginable qu’après l’engagement et les luttes menées par les femmes Burkinabè, en des moments cruciaux pour notre pays, que soit enregistré ce qui s’apparenterait à un recul dans la promotion des droits du genre féminin, le genre le plus marginalisé.

Nonobstant tous les efforts consentis par le Gouvernement, l’arbre ne saurait cacher la forêt. Quid de la promotion des mesures incitatives à l’élimination des inégalités telles que la loi de Quota genre qui enregistre un recul significatif dans son application? Quid des 30% de femmes promis au Gouvernement? Quid de la création d’une institution financière ou Banque (au-delà du FARF) au profit des femmes? Quid de la question des millions de pagnes imprimés à l’extérieur du Burkina Faso au nom de cette journée interpellatrice, engendrant une perte énorme de devises, en lieu et place du pagnes Faso Dan-fani confectionnés à majorité par les femmes elles-mêmes et dont le port leur permettra d’engranger des milliards de francs CFA dans le panier de la ménagère, pour notre économie, tout en promouvant notre identité culturelle à l’image du Président du Faso lui-même? Quid de l’autonomisation effective des femmes? Quid des vides juridiques sur l’héritage, l’accès à la terre par les femmes, les violences faites au genre féminin? Quid ..? Quid…?

Quelle valeur réelle la promotion du port national de l’uniforme 8 mars apporte à l’évolution effective du statut de la femme?

L’arrêté n°2017-059-PM/CAB du Premier ministre portant promotion et valorisation du Faso Danfani au Burkina Faso dispose en son article 1 ceci: «Dans le cadre de la promotion de l’identité culturelle, le port du Faso Danfani (FDF) par les autorités politiques du pays est encouragé lors des cérémonies officielles ou les manifestations d’envergure nationale. Est considérée cérémonie officielle ou manifestations d’envergure nationale toute cérémonie présidée par le Président du Faso, le Premier ministre ou les ministres». L’article 2 du même arrêté précise que les manifestations officielles de l’État donnant lieu à la production de tissus sont notamment: «les festivités marquant l’indépendance du Burkina Faso, le Salon international de l’Artisanat de Ouagadougou, les festivités marquant la célébration de la journée internationale de la femme, le forum national des femmes……». L’article 4 du même arrêté précise également que : «La reproduction ou l’impression du motif, du thème et du message choisis par l’autorité sur tout tissu industriel en dehors du Faso Danfani est interdite sauf autorisation expresse du ministre en charge de l’Artisanat».

Au regard des dispositions ci-dessus nous nous posons la question suivante: D’où nous vient la volonté de promouvoir les pagnes imprimés à travers des manifestations publiques et même souvent suite à des incitations par des publications ou des conférences de presse? En effet, le port du Faso Danfani n’est pas une obligation mais un choix affiché par la volonté politique à travers une vision imprimée par les autorités politiques dans le but essentiellement de valoriser l’identité culturelle, de renforcer l’économie informelle par l’autonomisation des femmes tisseuses et des artisans.

Si le président Rwandais Paul KAGAME peut s’inspirer de ces valeurs Burkinabè qu’il capitalise à travers la valorisation des potentialités nationales de son pays, que faisons-nous en tant que Burkinabè?

Il est plus que temps que ce commerce lucratif fait au détriment des femmes ne soit plus encouragé par une administration publique. Libre aux femmes qui le souhaitent de s’organiser à cet effet.

J’invite par ailleurs, les femmes à une profonde introspection, à faire un diagnostic réaliste, à transcender la peur et le manque d’assurance qui les empêchent d’oser certains domaines traditionnellement «dits» réservés aux hommes, à sortir des sentiers battus, des grands et interminables foras pour jouer pleinement leur rôle, celui d’être en toute complémentarité et en toute assurance avec le genre masculin pour l’édification d’un État de droit, de justice, d’équité, de solidarité, de tolérance, de pardon et de paix, socle d’un développement harmonieux et durable.

Vous vous souviendrez que la journée du 8 Mars a été instituée en 1910 en mémoire aux 129 ouvrières assassinées à la suite d’une grève pour un meilleur salaire et une réduction des heures de travail. La première Journée internationale des droits de la femme a été célébrée, le 19 mars 1911, pour revendiquer le droit de vote des femmes, le droit au travail et la fin des discriminations au travail basée sur le sexe. Cette journée fait partie des 87 journées internationales reconnues ou introduites par l’ONU.

Adoptée par nos États, appropriée par les femmes Burkinabé, la célébration de la Journée internationale des Droits des femmes est devenue une chômée sous la Révolution portée par le Président du Faso de l’époque, feu Capitaine Thomas Isidore Noël SANKARA dans l’objectif de servir de tremplin pour mener les réflexions, interpeller et faire le point des avancées en matière de droits, de justice, d’équité, d’inégalité, en dépit de la parfaite égalité de droits consacrée dans notre corpus juridique… Hélas!

En ces moments difficiles où nous sommes exposés aux défis sécuritaire et sanitaire, cette précarité et ces inégalités de faits sont davantage plus exacerbés pour les femmes de nos zones excentrées, nos contrées lointaines et surtout pour les déplacés internes pour qui j’ai une pensée profonde.

J’aimerais rendre également un vibrant hommage à nos héroïnes, nos devancières, nos aînées et tous les Hommes épris de justice et de paix qui accompagnent les femmes dans leur noble combat.

J’ai une pensée spéciale à l’endroit de SEM le Président du Faso et j’en appel à son sens élevé de l’engagement et du devoir, lui qui n’a ménagé aucun effort pour accompagner les femmes dans leur quête de bien-être et ce, depuis l’élaboration de lois spécifiques pouvant réguler les inégalités comme celle volontariste du quota genre. Malheureusement, les effets de cette loi tardent à se faire ressentir, principalement à cause du manque de volonté des acteurs politiques et du manque d’engagement des femmes elles-mêmes en politique. Quel cercle vicieux : pas de mesures incitatives réelles – peu de femmes en politique – donc pas de masse critique réelle pouvant faire basculer les décisions en leur faveur – découragement – peu de femmes en politique….

Les limites de mesures d’application des lois incitatives et les relectures infructueuses ont fini par dissuader celles qui voulaient nouvellement s’engager dans les chemins tortueux de la jungle politique, compte tenu de la faune cruelle qui y règne.

Je reste cependant confiante au sursaut salvateur de toutes et tous pour qu’ensemble, les questions de l’équité genre, de l’égalité des sexes ne soit plus un vain discours mais une opportunité de développement à saisir.

Au-delà de nos limites et différences objectives ou subjectives, puisse cette journée d’interpellation et de sensibilisation engendrée la prise de décisions et de mesures pouvant réduire significativement les injustices et inégalités basées sur le genre. Puisse la pleine participation de tous les genres à la décision, être gage de la consolidation de l’État de droit, du renforcement de la bonne gouvernance, de l’ancrage de la démocratie et d’un vivre ensemble harmonieux pour un Burkina radieux qui se hisse au firmament des nations.

Aux Burkinabé de l’intérieur comme de l’extérieur, l’histoire de l’humanité a montré que les tensions s’apaisent et que la liberté progresse toujours quand les femmes s’engagent à marcher ensemble avec les hommes, au-delà des différences et des divergences, afin de leur montrer le chemin, le chemin de l’honneur et du bonheur.

Bon mois de réflexion à tous et à toutes !

Que Dieu bénisse et veille sur notre chère patrie, le Burkina Faso.

Mme Saran Séré/Sérémé

Médiateur du FASO

Source : site www.mediateurfaso.gov.bf/

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