Le ministre du Commrerce M. Harouna Kaboré dans un champ de coton à Tenkodogo

Le présent message a pour objet d’apporter un démenti formel aux accusations portées par certaines organisations non gouvernementales (ONG) et activistes sur le travail des enfants en culture cotonnière au Burkina Faso.

I  DU CONTEXTE DE LA CULTURE COTONNIÈRE AU BURKINA FASO

Le coton est la principale production agricole du Burkina Faso et le pays en est l’un des plus grands producteurs en Afrique sub-saharienne. Sa culture qui est pluviale, est pratiquée par près de 350 000 exploitations agricoles de type familial constituées en moyenne de 12 personnes dont 8 actifs.

Le coton fait vivre directement plus de quatre (04) millions de personnes. Il a un effet d’entrainement sur les autres cultures de l’exploitation agricole et participe au Produit Intérieur Brut (PIB) à plus de 4% et contribue de façon non négligeable à la lutte contre la pauvreté en milieu rural.

En considérant les recettes d’exportation annuelles du Burkina Faso, la part contributive du coton représente 15%.

L’activité cotonnière est gérée depuis 2004 par trois (03) sociétés cotonnières, à savoir la Société Cotonnière du Gourma (SOCOMA) à l’Est du pays, la société Faso Coton au Centre et la Société Burkinabè des Fibres Textiles (SOFITEX) à l’Ouest. Ces trois sociétés cotonnières ont créé l’Association Professionnelle des Sociétés Cotonnières du Burkina (APROCOB), qui s’est jointe à l’Union Nationale des sociétés coopératives de Producteurs de Coton du Burkina (UNPCB) pour former l’Interprofession dénommée « Association Interprofessionnelle du Coton du Burkina (AICB) ».

Afin de gérer au mieux leurs activités de production cotonnière, les producteurs se sont regroupés en Sociétés coopératives simplifiées de producteurs de coton (SCOOPS-PC) au niveau des villages conformément à l’Acte Uniforme de l’OHADA du 15 décembre 2010 relatif aux droits des sociétés coopératives. On dénombre actuellement 9 786 SCOOPS-PC au Burkina Faso, qui se sont fédérées pour constituer les Unions de producteurs de coton au niveau des départements (177 Unions Départementales de Producteurs de Coton ou UDPC) et au niveau provincial (28 Unions Provinciales de Producteurs de Coton ou UPPC).

Cependant, la culture du coton dans le monde et particulièrement au Burkina Faso, fait face souvent à une publicité négative liée à la perception de l’existence du travail des enfants dans ce secteur. Ces actions négatives contre la culture cotonnière sont l’œuvre d’acteurs nationaux et internationaux.

Ainsi, au cours de l’année 2011, s’appuyant sur des rapports de 2009 et 2010, le Bureau des Affaires Internationales du Travail des États-Unis d’Amérique avait rendu public dans son rapport, une liste de pays produisant des biens issus du travail des enfants. En réponse à ce rapport, le Gouvernement burkinabè avait rédigé en 2012, un Mémorandum sur la lutte contre le travail des enfants au Burkina Faso.

Le 15 décembre 2011, M. CAM SIMPSON, journaliste à l’agence de communication Bloomberg, avait publié un article alléguant que l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina (UNPCB) enregistre en son sein des producteurs utilisant la main d’œuvre infantile dans des opérations de production de coton bio-équitable acheté ensuite par la firme américaine Limited Brands, propriété de la marque Victoria’s Secret. Les investigations menées par l’UNPCB et des ONG de lutte contre le travail des enfants avaient montré que les articles et reportages étaient des mises en scène, impliquant une jeune fille nommée Clarisse ressortissante de Benvar, un village du département de Dano, province du Ioba.

En janvier 2019, l’ONG SOLIDAR Suisse, en publiant dans son rapport d’enquête intitulé : « Comment des traders suisses profitent du travail des enfants au Burkina Faso », a emboité le même pas, à travers des accusations graves sur la filière coton du Burkina Faso, indexée d’utiliser des enfants pour le travail dans les champs de coton. Ce rapport d’enquête accuse également les principales entreprises de négoces du coton burkinabè basées en Suisse (la société Louis Dreyfus S.A, premier négociant au monde de coton fibre et la société Reinhart AG), de profiter des efforts du travail des enfants dans les champs de coton du Burkina Faso.

Ce rapport de l’ONG SOLIDAR Suisse a été relayé par les journaux « Le Matin Dimanche » en Suisse dans son édition du 27 janvier 2019 sous le titre : « Des entreprises suisses achètent du coton récolté par des enfants burkinabè » et « L’Economiste du Faso » dans son édition numéro 283 du lundi 28 janvier au dimanche 03 février 2019, à travers le titre à la Une : « Coton burkinabè, l’or blanc tâché du sang des enfants ».

Par ailleurs, suite à ces allégations, un projet de loi a été introduit au Parlement suisse par une initiative populaire fédérale dénommée « Entreprises responsables » pour obliger les entreprises suisses, au strict respect des droits de l’homme et de l’environnement.

 Cette loi, si elle venait à être votée sur la base de ces allégations, pourrait avoir des conséquences sur notre économie en ce sens qu’elle obligerait les acheteurs du coton burkinabé à s’orienter vers d’autres marchés.

Le présent message, tout comme les précédentes communications, est fait pour apporter un démenti formel sur toutes les allégations d’existence de travail des enfants dans les champs de coton et qui entache malheureusement l’image du coton du Burkina Faso. Il met en exergue les grands efforts fournis par le Gouvernement, ainsi que les acteurs de la filière coton burkinabè pour lutter contre le travail des enfants et ses pires formes et protéger les droits des enfants.

II   DU DISPOSITIF JURIDIQUE DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL DES ENFANTS ET SES PIRES FORMES AU BURKINA FASO

Le Burkina Faso, à l’instar des autres pays du monde, est touché par le phénomène du travail des enfants, qui reste une préoccupation pour le Gouvernement. En effet, l’Enquête nationale sur le Travail des Enfants réalisée en 2006 par l’Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD), sur financement du Bureau International du Travail (BIT), révélait que 41,1 % des enfants âgés de 5 à 17 ans étaient économiquement actifs au Burkina Faso. La volonté politique d’éradiquer le phénomène se traduit par le renforcement des cadres juridique et institutionnel (1), par le contrôle de l’application des dispositions édictées en matière du travail des enfants (2) et le développement et la mise en œuvre de référentiels en matière de lutte contre le travail des enfants (3).

  1. Le renforcement des cadres juridique et institutionnel

L’efficacité de la lutte contre le travail des enfants est subordonnée à l’existence d’un environnement juridique et institutionnel propice qui traduit l’engagement des décideurs à lutter contre le travail des enfants.

Conscient de cet état de fait, l’une des stratégies de l’État burkinabè a consisté à mettre en place et à renforcer son cadre institutionnel de lutte contre le phénomène. À cet effet, le Gouvernement a confié au Ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale la lutte contre le travail des enfants et ses pires formes.

Ainsi, pour mieux coordonner l’intervention des différents acteurs et surtout pérenniser les acquis, il a été créé en 2006 au sein dudit Ministère, une direction chargée spécialement de cette question. Il s’agit de la Direction de la Lutte contre le Travail des Enfants (DLTE) qui est chargée, entre autres, d’élaborer, de suivre la mise en œuvre et d’évaluer la politique nationale en matière de lutte contre le travail des enfants.

Outre ce cadre institutionnel, un arsenal juridique a été mis en place pour lutter efficacement contre ce fléau.

Cet arsenal juridique est constitué par :

  • La constitution du Burkina Faso, dont l’article 2, punit l’esclavage, les pratiques esclavagistes, les traitements inhumains et cruels, dégradants et humiliants, la torture physique ou morale, les sévices et les mauvais traitements infligés aux enfants. De ce fait, cette constitution interdit par extension les pires formes de travail des enfants ;
  • Les conventions ratifiées de l’OIT et celles internationales visant la protection de l’enfant :
  • La Convention OIT N°29 sur le travail forcé de 1930, ratifiée le 21 novembre 1960 ;
  • La convention relative aux droits de l’enfant (CDE) de 1989, ratifiée le 31 août 1990 ;
  • La Convention N°105 concernant l’abolition du travail forcé de 1957, ratifiée le 25 août 1997 ;
  • La convention OIT N°138 sur l’âge minimum de 1973, ratifiée le 11 février 1999 ;
  • La convention OIT N°182 sur les pires formes de travail des enfants de 1999, ratifiée le 25 juillet 2001 ;
  • La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant de 1990, ratifiée le 8 juin 1992.
  • Les textes nationaux qui sont :
  • La loi N°013-2007/AN du 31 juillet 2007 portant loi d’orientation de l’éducation ;
  • La loi N°028-2008/AN du 13 mai 2008 portant code du travail au Burkina Faso ;
  • La loi N°036-2015/CNT du 16 juin 2015 portant code minier du Burkina Faso ;
  • La loi N°025-2018/AN du 31 mai 2018 portant code pénal ;
  • Le décret N°2016-504/PRES/PM/MFPTPS/MS/MFSNF du 09 juin 2016 portant détermination de la liste des travaux dangereux interdits aux enfants ;
  • L’arrêté N°2008-0027/MTSS/SG/DGSST du 26 décembre 2008 portant dérogation à l’âge minimum d’admission à l’emploi ;
  • L’arrêté conjoint N°2010-023/MTSS/MJE du 13 décembre 2010 relatif au contrat d’apprentissage.

Ces différents textes ont été vulgarisés auprès de la population et des acteurs intervenant en matière de lutte contre le travail des enfants. À ce titre, il y a lieu de citer l’élaboration d’un recueil de textes juridiques sur le travail des enfants et sa mise à la disposition des acteurs de lutte contre le phénomène et des populations, la traduction en langues nationales des lois et règlements applicables en matière de travail des enfants et leur vulgarisation, etc.

  • Le contrôle de l’application des dispositions édictées en matière de travail des enfants

Au Burkina Faso, le code du travail a doté les inspecteurs du travail du pouvoir de pénétrer librement aux fins d’inspection, sans avertissement préalable, à toute heure du jour ou de la nuit, dans tout établissement assujetti au contrôle de l’inspection, et de pénétrer de jour dans les locaux où ils peuvent avoir un motif de supposer que des travailleurs y sont occupés. Ainsi, dans toutes les treize (13) régions administratives du Burkina Faso, les Directions régionales du Travail et de la Protection sociale, faisant office d’inspections du travail, sillonnent les établissements installés sur le territoire national pour y procéder aux contrôles en question.

Ces contrôles constituent le moyen approprié pour non seulement, prévenir le travail précoce des enfants à travers la sensibilisation, l’information aux employeurs et aux travailleurs, mais aussi, ils offrent la possibilité de réprimer le recours à la main-d’œuvre enfantine à travers les mises en demeure et les procès-verbaux d’infraction que les inspecteurs du travail peuvent dresser à l’issue de ces contrôles.

  1. Le développement et la mise en œuvre de référentiels en matière de lutte contre le travail des enfants

En vue de porter un coup au phénomène du travail des enfants, le Gouvernement burkinabè a développé et mis en œuvre différents référentiels de lutte contre le phénomène. Dans ce sens, il a été notamment adopté et mis en œuvre le Plan d’actions national 2011-2015 de lutte contre les pires formes de travail des enfants sous l’égide du Ministère en charge du Travail.

En termes de perspectives, le Ministère en charge du Travail est orienté vers la mise en œuvre de la Stratégie nationale 2019-2023 de lutte contre les pires formes de travail des enfants (SN-PFTE), adoptée le 07 mai 2019.

La SN-PFTE s’articule principalement autour des axes suivants :

  • la prévention des pires formes de travail des enfants ;
  • la protection contre les pires formes de travail des enfants ;
  • la réhabilitation et l’insertion des enfants victimes de pires formes de travail des enfants.

Les impacts attendus de cette stratégie dans tous les secteurs d’activités, y compris l’agriculture sont :

  • réduire la prévalence des enfants impliqués dans les activités économiques de 41,1% en 2006 à 20% en 2023 ;
  • réduire l’incidence des formes dangereuses du travail des enfants de 35,8% en 2006 à 25% en 2023.
  • DES ACTIONS MAJEURES ET CONCRÈTES MENÉES DANS LE CADRE DE LA LUTTE CONTRE LE TRAVAIL DES ENFANTS EN AGRICULTURE ET PARTICULIÈREMENT EN CULTURE COTONNIERE

Pour mieux harmoniser et rendre plus efficace les interventions en matière de lutte contre le travail des enfants au Burkina Faso, le Ministère de la Fonction Publique, du Travail et de la Sécurité Sociale avait élaboré un plan d’actions national de lutte contre les pires formes de travail des enfants (PAN/PFTE).

Ce plan d’actions national, qui a été adopté le 15 février 2012 en Conseil des Ministres, est un cadre de référence de la lutte nationale visant l’éradication du travail des enfants et surtout ses pires formes.

L’objectif général du PAN/PFTE est de réduire l’incidence du travail des enfants, à travers l’adoption de mesures et la mise en œuvre d’actions politiques, sociales, économiques et institutionnelles pour l’éradication de toutes les pires formes de travail des enfants.

La mise en œuvre de ce référentiel transversal et participatif a permis d’atteindre des résultats probants dont notamment :

  • le retrait et la prise en charge de douze mille trois cent quatre-vingt-cinq (12 385) enfants victimes de pires formes de travail des enfants. Ces enfants échappent ainsi au cercle vicieux du travail des enfants et ses conséquences ;
  • la mise en place de mille deux cent quarante (1 240) cantines scolaires pour soutenir les enfants en difficultés ;
  • l’octroi de quarante-deux mille deux cent soixante-quinze (42 275) bourses scolaires et trente-cinq mille quatre cent trente-neuf (35 439) kits scolaires à des élèves issus de familles vulnérables pour encourager l’excellence scolaire ;
  • le montage de deux mille deux cent quarante-quatre (2 244) microprojets d’activités génératrices de revenus (AGR) au profit des ménages vulnérables ;
  • l’octroi des microcrédits à six cent soixante-trois mille quatre cent cinquante-trois (663 453) ménages pour la réalisation de quatre mille neuf cent dix (4 910) activités génératrices de revenus (AGR).

Les actions entreprises par les acteurs de la filière coton sont :

  • les formations et les sensibilisations des producteurs (films, émissions radios : radios nationales et communautaires, ateliers) dans les principales langues locales et dans toutes les zones de production cotonnière ;
  • la certification des sociétés cotonnières au standard Cotton Made in Africa « coton CmiA » dont l’un des critères d’exclusion est l’existence des pires formes de travail des enfants;
  • les séances de formation reconduites chaque année dans le cadre de la production du coton bio-équitable de l’UNPCB, à partir de boites à images produites avec l’accompagnement de Fair Trade Labelling Organisation (FLO) ;
  • la signature de pétitions par les membres de l’UNPCB, pour interdire le travail forcé des enfants dans les champs;
  • les engagements de l’UNPCB et des sociétés cotonnières à lutter contre les pires formes de travail des enfants dans les champs de coton à travers leur politique qualité;
  • la construction d’infrastructures socioéducatives par les acteurs de la filière coton;
  • l’insertion de la clause d’interdiction du travail dangereux des enfants dans les contrats avec les producteurs (coton conventionnel, coton bio, producteurs semenciers, etc.) ;
  • la prise de mesures coercitives en cas de constat de travail dangereux des enfants.

Toujours dans le cadre des initiatives entreprises, des partenariats solides ont été noués par les acteurs de la filière avec des partenaires techniques et financiers pour contribuer efficacement à la lutte contre les pires formes de travail des enfants au Burkina Faso.

En résumé, les informations ci-dessus sont données pour rassurer l’opinion nationale et internationale sur le respect des droits de l’homme au Burkina Faso. Le travail des enfants est une réalité au Burkina Faso comme dans la plupart des pays ; car il est un facteur de socialisation, mais ses pires formes sont combattues par la loi.

Des activités de communication et de formations de tous les acteurs permettent de les sensibiliser au respect des droits des enfants dans toutes les activités commerciales selon la règlementation en vigueur. Ces activités se poursuivent sur le terrain et devraient permettre à terme, de réduire fortement le travail des enfants et surtout ses pires formes.

Par conséquent, les cas de travail réprimandés par la loi qui viendraient à être constatés sur le terrain sont à relativiser car ces exceptions ne sauraient être la règle et beaucoup d’efforts sont faits et continuent de l’être dans le but de préserver les droits de nos enfants au Burkina Faso.

Les partenaires techniques et financiers sont donc invités à accompagner notre pays qui est déjà lourdement frappé par le terrorisme, à poursuivre son effort de développement en apportant des solutions aux problèmes des populations qui sont posés et liés à leur existence.

Toutes les allégations sont donc faites pour discréditer le coton du Burkina Faso sur le marché international. A quelles fins pourrait ton se demander et à qui cela profite-t-il ?

L’or blanc du Burkina Faso n’est entaché ni de la sueur ni du sang des enfants.

Le Ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat

Harouna KABORE

Officier de l’Ordre de l’Étalon

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