Dr. Nestorine Sangare, ancienne ministre, Directrice Exécutive du Centre de Recherche et d'Intervention en Genre et Développement (CRIGED)

Dr. Nestorine Sangaré qu’on ne présente plus est l’ancienne ministre de la promotion de la femme et du Genre sous le régime de Blaise Compaoré. Elle est en outre bien connue par ces publications instructives et dignes d’intérêts. Sur cette tribune, elle réagit par rapport à une publication qu’elle a lue sur le journal en ligne Lefaso.net.

« Que c’est si révoltant et dégueulasse d’être burkinabè sous l’emprise économique de Bolloré!!! J’ai lu avec stupéfaction sur Lefaso.net du 1er Juin 2020 que, par l’intermédiaire de son avocat Me Mathias Audit, Bolloré a envoyé une mise en demeure à la Présidence du Faso pour ne pas avoir assuré les conditions de la protection des investissements de Canal+ dans notre pays, comme le prévoit, selon ce dernier, notre code des investissements.

Il critique le fonctionnement non équitable du système judiciaire au regard des décisions rendues et des saisies effectuées contre Canal+ Burkina. Il met donc en demeure l’État burkinabè pour non-respect de ses obligations de protection des investissements. A cause du Covid19, il a déposé sa plainte contre la Présidence du Faso à notre Ambassade à Paris pour transmission.

Bolloré ne supporte d’avoir perdu son procès dans l’affaire opposant Canal+ à la société Prosat de Eddie Komboïgo qui a été jugé par la justice burkinabè. C’est pourquoi, il est donc parti déposer deux plaintes à Abidjan et à Paris dans l’espoir de gagner beaucoup de milliards en dédommagement. Il reproche à Eddie Komboïgo des manquements à ses obligations d’investissement dans la mise en œuvre des trois contrats de distribution initialement signés dans le cadre de leur partenariat. Pourtant, il est connu de tous les citoyens burkinabè consciencieux que Bolloré, via sa filiale Sitarail, exploite depuis 25 ans notre patrimoine ferroviaire sans respecter les clauses contractuelles ni payer les droits d’usage et les redevances.

Depuis 1995, l’Etat burkinabè a contracté des prêts auprès de la Banque Mondiale, de l’AFD pour réhabiliter le réseau ferroviaire Ouaga-Abidjan. Selon les termes de la Convention, Bolloré devait exploiter le réseau ferroviaire en PPP et rembourser l’Etat burkinabè ses investissements pour pouvoir payer les dettes aux PTF. Il n’a pas respecté ses engagements. Au lieu de voir son contrat rompu, il a bataillé pour obtenir la prolongation après plusieurs avenants.

La dernière prolongation est la Convention de Concession Révisée (CCR) signée par le Ministre du Transport le 29 Juillet 2016 à Yamoussokro, autorisée par le Parlement burkinabè par la loi 041-2018 du 04 Décembre 2018 et promulgué par le Chef de l’Etat le 31 Décembre 2018.
Cette convention va durer jusqu’à 30ans.

Il avait promis d’investir 265 milliards pour réhabiliter le chemin de fer et payer ses dettes. Les travaux devaient être lancés le 16 Avril 2018. Bolloré s’est braqué en apprenant que le Burkina Faso va construire un autre chemin de fer pour relier Ouaga à Tema au Ghana. Il s’agit là d’un grave manquement à ses obligations d’investissement prévues dans la mise en œuvre de la Convention Révisée qui doit faire l’objet d’une suspension suivie de poursuites judiciaires. Puisqu’il connait bien notre Code des investissements, il doit savoir qu’il exploite illégalement notre réseau ferroviaire. Or, à moins d’un énième avenant, depuis la signature de la CCR en 2018, il exploite le réseau ferroviaire à 1 franc symbolique.

Cela correspond à un chiffre d’affaires annuel de plusieurs milliards de francs étant donné que c’est lui qui a le monopole du transport des équipements lourds des entreprises minières et des opérateurs économiques. Il continue ainsi de dégrader le patrimoine ferroviaire du Burkina Faso depuis 25 ans sans contribuer aucunement à sa réhabilitation.

Son agitation judiciaire actuelle montre cependant qu’il connait très bien ses droits financiers, mais se plait à violer ceux de tout un pays comme un bandit de grand chemin. Tout au long de ces décennies, Bolloré exploite impunément les richesses nationales et piétine les lois de notre pays en matière d’investissement. Il foule allègrement aux pieds les droits économiques et financiers de tout le peuple burkinabè et cela au vu et au su de tous les patriotes tubes digestifs.

Si Bolloré pousse l’outrecuidance d’exiger ouvertement de la Présidence du Faso la protection de ses intérêts privés, c’est qu’il y a des burkinabè indignes qui le soutiennent pour des broutilles. Et qui va défendre l’entreprise Prosat de Eddie Komboïgo quand le verdict de la justice burkinabè est jeté à la poubelle par Bolloré?

Pour paraphraser Malcom X, je dirais que si Bolloré peut taper sur tout le peuple burkinabè en toute impunité pendant de si longues années et de plus en plus fort, c’est qu’il n’y a plus beaucoup de burkinabè au Burkina Faso.

En tant que citoyenne de ce pays, je trouve ce spectacle ignoble, révoltant et instructif. »

Dr. Nestorine SANGARE / COMPAORE

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