M. Roch Donatien Nagalo, Président du Conseil d'administration de la faitière

Le Syndicat national des commerçants du Burkina (SYNACOMB) travaille avec abnégation à la relance de l’économie nationale plombée par diverses crises. Ainsi, il vient de procéder au lancement d’une faitière qui regroupera plusieurs filières interprofessionnelles. Avec à l’appui, une Brigade de veille citoyenne dont la mission est de veiller à l’assainissement du milieu commercial au Burkina en contribuant à lutter contre la fraude et la concurrence déloyale. Au-delà la vision qui anime la faitière est de mieux organiser les filières en leur accompagnant à former des micros industries et surtout encourager les burkinabè à produire et consommer burkinabè. En attendant les amendements par les filières du statut et règlement intérieur qui régira la faitière les jours à venir, nous avons rencontré le Secrétaire général du SYNACOMB et Président du Conseil d’administration de la faitière

M. Roch Donatien Nagalo qui nous dévoile l’esprit qui sous-tend la faitière, ses ambitions et surtout l’intérêt que chaque filière gagnera à s’y adhérer.  

« Je suis persuadé que tout le monde trouvera son compte dans cette faitière »

IBurkina (IB) : Monsieur le Secrétaire général du SYNACOMB, après l’installation officielle des membres de la brigade de vieille citoyenne en mi-janvier, vous venez de tenir une Assemblée générale constitutive d’une faitière. Succinctement quelles sont les associations socioprofessionnelles membres ? Et comment y adhérer ?

Roch Donatien Nagalo (RDN) : Nous avons trouvé qu’il était opportun de réunir les différentes filières des organisations socioprofessionnelles. Nous pouvons citer pêle-mêle : les importateurs des véhicules dits ‘’France au-revoir’’, le textile, le divers, l’huile, chaussures, pagnes etc. ; il y a aussi l’esprit de fédérer les actions des acteurs locaux tels : l’interprofession lait, l’interprofession miel, l’interprofession volaille moderne et local, l’interprofession karité, l’interprofession sésame et l’interprofession anacarde, l’interprofession des transporteurs, l’interprofession des chauffeurs et des taximen etc. La sommes de toutes ces filières nous donnera la faitière des organisations socioprofessionnelles, afin d’être une plateforme qui sera un canal pour accompagner les actions de la Brigade de veille citoyenne.

En ce qui concerne les conditions d’adhésion, nous avons déjà adopté les statuts et le règlement intérieur sous réserve, en attendant que les différentes structures apportent leurs amendements. A l’issu de cela nous organiserons un atelier pour son adoption et du même coup valider le bureau qui sera mis en place. Il faut signer que la faitière est ouverte à toute organisation pouvant apporter de la valeur ajoutée à l’économie nationale. Plus explicitement c’est lors de l’atelier que les conditions d’adhésions seront fixées.

L’Assemblée générale s’est penchée sur les avant-projets de l’esprit de la faitière. Que peut-on retenir des points saillants qui guideront cette faitière ?

Pour certains de nos membres qui seront pris au piège, il n’y a pas de traitement de faveur »

L’objectif primordiale de la faitière est non seulement la relance de l’économie Burkina, mais surtout fédérer les actions pour le développement durable de l’économie nationale, en pérennisant les acquis et en boostant les activités des filières membres. Comme dit un adage de chez nous ; « Une seule main ne peut pas ramasser la farine ». Ainsi, nous pensons qu’en unissant nos forces, nous comblerons nos propres insuffisances de part et d’autre pour aller de l’avant. Le Burkina regorge d’énorme richesse, et il ne nous reste qu’une bonne organisation pour donner un coup accélérateur au développement. Pour y parvenir il faudrait durcir le ton sur la lutte contre la fraude, la concurrence déloyale. Partant de là, nous parviendrons à assainir le milieu commercial. Nous ne développerons l’économie locale qu’en consommant prioritairement ce que nous produisons, et produire davantage ce que nous consommons. Si ce message est bien compris, nous aurons notre propre label burkinabè sur biens de produits qui nous ouvrirons les portes à l’exportation de nos produits.

La lutte contre la fraude et la concurrence déloyale seront la principale bataille à gagner par la Brigade. Concrètement comment cela sera organisé à travers le territoire ?

La question est pertinente. Les filières étant différentes, les modes de luttes varieront également. Raison pour laquelle nous invitons les filières à faire des propositions concrètes à la Brigade. Notre méthode sera basée prioritairement sur l’approche et non la répression. Nous ferons comprendre par la sensibilisation aux acteurs que même sans la fraude, ils peuvent exceller  dans leur business. En un mot nous inviterons les acteurs à développer le sens du civisme et du patriotisme pour la prospérité du Burkina. La Brigade sera sur toute l’étendue du territoire et travaillera en parfaite symbiose avec la gendarmerie nationale, la police nationale, la police municipale, la douane et tous les citoyens de bonne volonté.

Dans le  milieu commercial la tentation du gain facile est monnaie courante. Quelles sont les sanctions que vous prévoyez pour certains de vos membres qui tomberont dans votre piège ?

Naturellement dans toute organisation il y a des brebis galeuses. Pour certains de nos membres qui seront pris au piège, il n’y a pas de traitement de faveur.  Pis, ils auront une double sanction. Il est inconcevable qu’on se livre à détruire ce que l’on s’engage à construire.
Mais il faut néanmoins relever certaines exceptions : si un commerçant a des importations importantes et fréquentes et obtient des réductions exceptionnelles de l’État, ou a des transitaires compétents et arrive à obtenir des allègements etc., nous ne pouvons pas dans ce cas s’y opposer. La Brigade travaillera aussi à réduire les tracasseries routières.

En février 2019, le SYNACOMB et la Société de coopérative et de solidarité commerciale (SOCSOCOM) avaient procédé au lancement des comptoirs d’achats et de ventes du secteur agro-sylvo-pastoral à Fada, dont l’objectif visait à lutter contre la spéculation. Cette initiative a-t-elle  prospéré ?

Quand on initie un projet, il y a des adhérents et il y a aussi ceux qui trouvent que l’initiative peut compromettre leurs intérêts. Donc, quand nous avons initié le projet, il y a eu des obstacles certes, mais cela n’a pas empêché le projet  de voir le jour. Nos agents ont travaillé avec abnégation dans les cinq provinces de la région de l’Est en allant à la rencontre des différentes autorités administratives locales. Ils ont rencontré des maires et ont pu obtenir des aires  pour  mettre en place des centrales d’achats. Mais avec l’insécurité qui s’est installée dans la région de l’Est jusqu’à nos jours, il était difficile de pérenniser ce projet.

Toutefois le projet suit son chemin. Présentement, nous avons mis le cap sur la région du Centre –Sud et plusieurs zones de comptoirs virtuels ont été expérimentées  par nos membres, en attendant que nous ayons des ressources pour les rendre physique. Dans l’ensemble l’initiative a prospéré et la faitière viendra la consolider et la structurer.

Pour le cas spécifique de la faitière, les groupements socioprofessionnels ayant chacun sa spécificité, pourront-ils avoir les mêmes avantages comparatifs dans cette faitière ?

« Quand on initie un projet, il y a des adhérents et il y a aussi ceux qui trouvent que l’initiative peut compromettre leurs intérêts »

Je suis persuadé que tout le monde trouvera son compte, d’autant que c’est une faitière et les gens ne mènent pas les mêmes activités. Comme il est souvent dit, la diversité fait la richesse ; car crée les interdépendances. Et en ce qui concerne la faitière, chaque filière s’adossera à l’autre pour mieux fructifier son business. C’est notre vision des choses. De cette manière la Brigade agira dans l’intérêt spécifique de chaque filière. Raison encore pour laquelle lors de l’atelier à venir chaque filière apportera ses préoccupations à la Brigade qui en tiendra compte dans ses actions sur le terrain.

Au-delà de la lutte contre la fraude et la concurrence déloyale, avez-vous des ambitions pour organiser et mieux structurer les filières membres à être plus productives et compétitives ?

Oui ! C’est l’idéal poursuivit. Nos ambitions ne sont pas limitées, mieux elles nous poussent à réfléchir davantage pour de nouvelles conquêtes. Si nous croyons au développement et que nous avons foi à ce que nous faisons collectivement, il va sans dire que nous parviendrons à soulever les obstacles pour aller de l’avant. A commencer par le changement des mentalités à la base. Prendre conscience qu’en produisant et consommant burkinabè crée de la richesse pour la Nation, nous ferons déjà avancer. C’est par là que toutes les filières prendront de l’envol pour nous conduire au développement endogène.

Dans le Centre-Sud, et  le Centre –ouest vous avez procédé au lancement de la mise en place de 50 fermes de productions laitières,  et d’une unité de production de lait de 15 mille litres par jour qui mobilisera 500 villages à cet effet. Pensez-vous que la filière lait au Burkina est prête pour gagner le pari de la concurrence ?

En tant que syndicat, notre devoir est de travailler pour accompagner les filières à se développer. C’est dans cette optique que nous tenons ce pari. Il y a certes des difficultés, mais c’est en travaillant qu’on trouve les solutions des obstacles. L’existence d’une concurrence ne doit pas bloquer les défis à relever. D’ailleurs ça devient une opportunité pour persévérer. En organisant les coopératives agro-sylvo-pastorales, nous obtiendrons de meilleures productivités et nous verrons avec des partenaires étrangers la possibilité de mettre en place des micros fermes de production de lait dans chaque village. Nous commencerons avec des vaches locales qui ont une capacité de production de cinq litres de lait par jour. A cet effet, nous solliciterons l’appui technique du ministère de l’élevage, et du ministère de l’agriculture. Chaque ferme aura à produire 250 litres de lait par jour. Avec les 50 villages, cela va donner 12500 litres de lait par jour. Cette estimation nous amène à mettre en place une unité de production de 15000 litres de lait par jour. Nous voulons valoriser la filière lait à travers cet ambitieux projet. Le Burkina importe du lait à coût de milliards de francs CFA par an, souvent avec des risques d’importer des produits prohibés qui nous donnent des maladies. Cette unité viendra stimuler l’entretien du cheptel burkinabè, créera des emplois et enrichira les éleveurs.

Monsieur le Secrétaire général, le SYNACOMB est l’un des rares syndicats qui revendique moins et travaille plus par ses propres initiatives au bien-être de ses membres. Néanmoins quelle forme de soutien pourrait davantage vous être utile pour accélérer le développement de l’économie locale ?

Primo, ce qui nous intéresse c’est le soutien moral. Secundo, nous voulons les encouragements et l’appui technique du gouvernement. Le secteur privé devrait jouer un rôle prépondérant dans le développement du pays. Nous ne devrons pas tout attendre de l’État. Et réciproquement l’État doit alléger certaines procédures pour encourager les initiatives privées.

A nos membres, nous disons que Dieu a donné à chacun un talent qui lui permet de se valoriser et d’être utile à son prochain. La solidarité est une chaîne de valeur qui nous enrichie moralement et enrichie la nation tout entière. Elle engendre la paix, la stabilité et la prospérité d’un pays. Engageons nous tous ensemble dans cet élan et Dieu nous fera vivre les merveilles de la fraternité. Tous les hommes sont utiles et complémentaires l’un de l’autre dans la société. C’est ma conviction personnelle que j’assume.

Pour la faitière qui vient de naitre quel message avez-vous à l’attention des différentes filières membres ?

Nous sommes ouverts. Nous invitons les uns et les autres à nous rejoindre. Comme vous venez de le dire, nous sommes un syndicat qui revendique de moins en moins, mais cherche à trouver nos propres solutions. Nous ne voulons pas des critiques stériles, mais plus de contributions positives pour nous faire avancer ensemble. Seule la discipline dans le travail, la courtoisie fraternelle, le respect des valeurs et la cohésion sociale peuvent nous permettre de bâtir ensemble le Burkina Faso.

Interview réalisée par JT

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