M. Goulla Odagou, professeur de philosophie et député du groupe parlementaire ''Renouveau démocratique : ‘’l’UPC reste sur sa position conflictuelle qu’elle avait engagée’’.

Jeune intellectuel, dynamique et politiquement engagé, le philosophe et député Goulla Odagou du groupe parlementaire indépendant ‘’ Renouveau démocratique’’ (RD), à travers cet entretien étale son analyse sur la situation nationale marquée par une insécurité préoccupante. A cela se greffent les enjeux des élections présidentielles et législatives de novembre 2020, qu’il trouve utile mais risquées. La question de l’avenir politique des membres du groupe Renouveau démocratique qui est en conflit avec leur parti politique d’origine qu’est l’Union pour le changement et le changement (UPC) a été également abordée. Enseignant de la discipline de la sagesse, le député Goulla Odagou, invite les burkinabè à taire les ambitions individuelles égoïstes et à bâtir d’un même élan la prospérité du Burkina. Un entretien digne d’intérêt à lire absolument !

’Nous n’allons pas mourir politiquement par la volonté d’un individu ou d’un groupe d’individus’’

I-Burkina (IB) : Monsieur le député Goulla Odagou, à la veille des élections législatives de 2020, comment se porte le groupe parlementaire  »Renouveau démocratie »? Quel a été son l’apport au sein du parlement burkinabè ?

Député Goulla Odagou (GO) : Le groupe parlementaire ‘’Renouveau démocratique’’ se porte très bien. Aujourd’hui il y a une très bonne cohésion au sein du groupe. Il y a une entente parfaite contrairement à ceux qui avaient prédit l’éclatement de notre groupe parlementaire.  Présentement nous sommes heureux de dire que nous demeurons très bien souder comme au départ. Nous sommes toujours engagés pour la cause qui nous a guidés  à former le groupe. Évidemment qu’on ne peut pas faire l’unanimité, mais beaucoup d’acteurs apprécient notre apport au sein de l’Assemblée nationale.

Quant à l’apport du groupe au sein de l’Assemblée nationale, je peux vous affirmer que c’est un apport qui est positivement apprécié. Parce que, nous nous sommes positionnés comme un groupe indépendant, qui s’exprime selon les prescriptions de la Constitution. De sorte que chaque député vote en toute âme et conscience. D’ailleurs au sein du groupe, nous avons instauré cette démocratie qui permet à chacun de s’exprimer librement sur les questions posées à l’Assemblée nationale. Si bien que les lois que nous avons votées se sont fondées sur l’appréciation du contexte national pour l’intérêt générale de la nation. Notre objectivité par moment a laissé penser que nous accompagnons le pouvoir en place. Fort heureusement, au fil du temps les gens ont compris que notre vision est fondée exclusivement sur l’objectivité et l’intérêt général. Nous avons appréciés les choses à leur juste valeur. Raison pour laquelle tantôt nous sommes virulent vis-à-vis du pouvoir et tantôt modérés.

En somme, en matière de prestation intellectuelle, tous les députés du groupe ont été à la hauteur des enjeux nationaux et politiques.

Le Renouveau démocratique n’est pas un parti politique et il y a un couac entre ses membres et leur parti politique d’origine qu’est l’UPC. Comment se joue votre avenir politique avant le 22 novembre prochain ?

’l’adhésion des populations à un parti politique est intrinsèquement liée à la personnalité du leader de la localité’’

Effectivement le Renouveau démocratique n’est pas un parti politique, mais un groupe parlementaire, que nous avons créé à partir des difficultés que nous avons constaté dans le fonctionnement de notre parti politique l’UPC. Pour la simple raison que notre groupe ne se reconnaissait pas dans le fonctionnement du parti que nous avons créé au départ. Il y a eu incompréhension de la direction d’une part,  notamment avec le président du parti Zéphirin Diabré. Il était nécessaire de chercher à résoudre la crise, que de se contacter des allégations de corruption etc. C’est ce qui a créé le couac dont vous parlez. Nous osons espérer quand bien même les chances s’effritent qu’on puisse se retrouver. Car la direction de l’UPC reste sur sa position conflictuelle qu’elle avait engagée. Ce qui n’est pas de nature à rapprocher les positions. En tant qu’hommes politiques, nous nous organisons et au temps opportun, nous prendrons naturellement la décision utile pour ne pas mourir politiquement par la volonté d’un seul individu ou d’un groupe d’individus.

Nous sommes des députés biens renforcés et biens rattachés à nos bases.

Comment appréciez-vous d’une manière générale, l’action de cette législature sous la direction de son Président Alassane Bala Sakandé ?

’Le Président Alassane Bala Sakandé a courageusement imprimé ses marques au sein de l’Assemblée nationale’’

L’action de notre législature peut être appréciée partir de deux dimensions :

Primo : il s’agit de savoir qu’est-ce que le parlement fait, les efforts déployés, l’adéquation entre ses missions et ses actions sur le terrain, le contrôle de l’action gouvernementale, le vote des lois.

Secundo : il s’agit des rapports entre le parlement et le peuple.

Pour la première dimension qui concerne son rôle intrinsèque et régalien qui est de : voter la loi, consentir l’impôt et contrôler l’action du gouvernement, l’élan a été amorcé par feu Salif Diallo et le Président Alassane Bala Sakandé a courageusement imprimé ses marques au sein de l’Assemblée nationale. Il a engagé le parlement dans un véritable contrôle de l’action gouvernementale et des votes objectifs des lois. Nous avons interpellé le gouvernement sur des actions sur le terrain.

Dans la deuxième dimension qui est le rapport avec le peuple, nous  avons travaillé pour nous rapprocher davantage du peuple, en expliquant ce que nous faisons. A ce niveau, nous avons fait face à des critiques des gens qui trouvaient que nous jouons le rôle de l’exécutif. C’est une simple incompréhension, car pour rendre compte au peuple ce qu’on fait, il faut aller à sa rencontre, et prendre surtout le pool de ses attentes.

Certes, l’Assemblée nationale a accompli sa mission,  mais la situation sociopolitique, économique et sanitaire du Burkina demeure toujours préoccupante. Comment s’en sortir ?

L’Assemblée nationale à jouer sa partition de même que les autres institutions. Malgré tout, les difficultés sécuritaires et autres demeurent.

Pour s’en sortir il faut une organisation. L’organisation d’un peuple se situe également à deux niveaux :

Premièrement le renforcement des institutions. Le peuple doit connaitre le rôle de chaque institution. De même il faut que les hommes qui animent ces institutions aient la volonté de construire la nation et non se servir eux même.

Secundo, le peuple doit être discipliné. Aujourd’hui l’incivisme est en train de miner notre société. Nous sommes dans une logique de défiance des institutions et  des autorités. Cette attitude  conduit le pays à la ruine.

La discipline construit non seulement la vie individuelle, mais surtout construit la nation. Prenons conscience que nous avons besoins l’un de l’autre pour bâtir le Burkina. Les clivages que nous observons doivent cesser immédiatement. Les stigmatisations qu’on évoque (qu’elles soient réelles ou supposées) doivent aussi cesser. Les intellectuels ont un rôle prépondérant à jouer pour la stabilité du pays.

Aujourd’hui au regard de certains fléaux qui s’enlisent (l’insécurité dans une partie du territoire), le respect du calendrier électoral divise la classe politique et les acteurs de la société civile. Qu’en pensez-vous?

‘’La discipline construit non seulement la vie individuelle, mais surtout construit la nation’’

Effectivement, je suis mieux placé pour aborder cette question des échéances électorales. Les questions sécuritaires sont à prendre en compte avec beaucoup de sérieux et de précautions. Nous devrons être objectifs dans l’analyse de la situation. Toutes les composantes de la société doivent s’impliquer dans la réflexion et tirer les conséquences.  Evidemment les échéances électorales obéissent à des calendriers préétablis, en lien avec les mandats des uns et des autres, de sorte que quand un mandat s’expire il faut le renouveler. C’est un principe démocratique qu’il faut respecter. Donc les élections doivent être tenues. Néanmoins il faut aussi en tenir compte qu’en démocratie la question de l’inclusion, de la pleine participation de tous au processus électoral est une obligation. Donc le dialogue entre les parties prenantes : les partis politiques, la société civile, les religieux etc., doivent se concerter pour analyser la situation et prendre la décision qui sied.

Raison pour laquelle nous disons que dans un premier temps nous devons travailler à stabiliser le pays et améliorer la sécurité. En d’autres termes la sécurisation de tout le territoire est nécessaire pour aller aux élections.

De même, nous avons la possibilité de rester dans le cadre de la constitution de coupler ou découpler les élections. De prolonger le mandat des députés ou de ne pas le faire. Maintenant qu’il y aura des difficultés de tenir les élections dans  certaines localités, on peut envisager de prolonger le mandat des députés. Malheureusement en tant que député, si nous posons cette éventualité les gens pensent que nous voulons rester là où nous sommes. Pourtant la question ne se situe pas à ce niveau. Dans tous les cas si tout le monde décide d’aller aux élections nous courrons les mêmes risques. L’idéal est que les élections se tiennent dans de très bonnes conditions en toute transparence et que chaque citoyen puisse exprimer sa liberté.

En tant que député de la province de la Komondjari (région de l’Est), comment décrivez-vous réellement la situation sécuritaire dans cette zone ?

La région de l’Est en générale est sous l’emprise des terroristes. Parce qu’aujourd’hui toutes les cinq provinces de la région de l’Est  ne sont pas épargnées des attaques terroristes. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) n’a pu faire que des enroulements partiels dans certaines localités de la région de l’Est. Signe que l’insécurité dans cette zone est préoccupante. Il faut nécessairement sécuriser la population avant d’envisager quoi que ce soit au Burkina Faso.

Nous sommes à cinq mois des élections législatives. Après la fissure avec l’UPC, êtes-vous resté en contact permanent avec vos électeurs de votre province ? Avec quel message politique ?

Par rapport à la crise qui a secoué l’UPC et qui a conduit à la création du groupe parlementaire Renouveau démocratique. Il faut avouer que la crise n’a pas été encore définitivement résolue. La direction du parti à travers des sorties médiatiques avait dit qu’elle envisageait nous remplacés par d’autres acteurs politiques. Donc nous avons compris que nous devons travailler pour nous positionner, si toutefois l’UPC ne nous présentait sur sa liste électorale. Si la réconciliation n’est pas effective jusqu’à la date des élections, véritablement la rupture sera consommée et nous prendrons nos dispositions pour survivre politiquement. Ceci étant, le message que nous avons gardé auprès de nos électeurs s’est de rester mobiliser.

Dans le contexte du Burkina Faso l’adhésion des populations à un parti politique est intrinsèquement liée à la personnalité du leader de la localité qu’à l’idéologie du parti. Ainsi chacun de nous a su garder ce leadership dans notre base, tout en leur expliquant que notre but est de travailler non seulement dans l’intérêt de notre communauté, mais surtout dans l’intérêt de la nation entière. Les gens manifestement, sont plus engagés à nous reconduire car ils ont compris que nous avons mené un combat juste qui vise à conduire le peuple burkinabè vers des lendemains meilleurs.

Monsieur le député, avec la fissure du groupe parlementaire Renouveau Démocratique avec l’UPC, pensez-vous pouvoir être le candidat de ce parti dans votre province ? Quelles sont vos ambitions par rapport aux élections législatives à venir ?

Présentement, il y a une rupture de communication et  de participations aux activités du parti. Ainsi, nous nous posons la question si nous sommes toujours considérés comme militants de ce parti. Si un parti ne vous considère pas comme un membre sans s’assumer entièrement, il est difficile de vous aligner à ce parti. Mais comme c’est la réalité du terrain qui commande certaines décisions, ils peuvent se rendre compte qu’en dehors de nous, l’UPC n’aura pas des élus dans nos provinces respectives. A ce niveau le parti peut revenir à la raison et nous discuterons clairement afin que personne ne soit utilisé à de mauvaises fins. Toutefois si nous ne pouvons pas être candidat de l’UPC, nous aviserons au temps opportun. Nous choisirons d’être candidat là où c’est possible. Parce que nous devons survivre politiquement de cette crise.

Avez-vous un dernier message ?

8 ‘’les gens ont compris que notre vision est fondée sur l’objectivité et l’intérêt général’’

Au regard de la situation nationale, chaque acteur politique doit travailler à la cohésion et à l’existence même de notre nation qui est composée de plusieurs ethnies. Parce que de plus en plus, l’intérêt égoïste est en train de prendre le pas sur l’intérêt général. Donc mon appel au peuple burkinabè est que chacun  fasse un examen de conscience et œuvré  véritablement  avec enthousiasme au développement harmonieux du Burkina. Que les enjeux et les ambitions politiques des uns et des autres n’engloutissent pas l’élan commun de la prospérité nationale.

Interview réalisée par MCZ

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