Les pères fondateurs de l'Union africaine

La diversité, la diversité et encore la diversité. La gestion de cette donnée est essentielle dans l’Afrique du 21ème siècle. Ce n’est pas le temps des réjouissances. Plus de 57 ans après sa naissance au forceps avec, dès le premier jour, un incident diplomatique entre l’Éthiopie et la Somalie, l’Union Africaine devrait tirer les leçons de la désunion de ses États membres pour un panafricanisme pragmatique et scientifique.

Le principe de l’inviolabilité des frontières héritées de la colonisation qui constitue le point nodal de ce regroupement d’États, en dépit de la scission entre l’Éthiopie et l’Érythrée en 1993, de la division du Soudan, autrefois le plus grand pays d’Afrique, en deux entités depuis 2011, est factice sans la prise en charge sérieuse, au sein des États, de la question des diversités.

L’Afrique du Sud compte 24 langues, le Bénin en compte 54, ce qui n’est rien encore comparé à la Centrafrique (71), ou encore au Nigeria (514). Bref, plus de 2 000 langues sont dénombrées sur le continent. Ce sont autant d’éléments morcelés de ce patrimoine et de cette histoire du continent qui tombent en fragments mystérieux car incomplets. Dans ce contexte de mosaïques culturelles, la diversité devait être l’ADN des politiques publiques africaines et le ciment social des unités nationales qui ne devraient pas se traduire par de nouvelles colonisations linguistiques africaines sur d’autres langues et cultures africaines.

Or, les politiques publiques construites depuis les indépendances par l’État post-colonial sur la base d’une langue dite nationale, qui n’est en général que la langue de l’ethnie centrale, ou celle du président fondateur, ont conduit à des guerres civiles et des désastres, du Rwanda au Sahel. La question touarègue au Mali et au Niger découle à notre sens, en tout cas en partie, d’une mauvaise gestion de la diversité par des États jacobins qui ont reproduit le système colonial à travers une langue, celle de la tribu élue, imposée à la diversité depuis un pôle central, usine des antagonismes entre les locuteurs de la langue élue, citoyens de première classe, et tous les autres, appelés souvent à prouver leurs identités. En Afrique de l’Ouest, la question peule, transanationale par essence, découle de ce même échec de la gestion des diversités par des États affaiblis par la lutte entre les élites pour la conservation du pouvoir et des privilèges rattachés.

A l’heure de la célébration des 57 ans de cette Union africaine, nous pouvons émettre un voeu: et si la Zone de libre-échange était l’antidote aux divisions et aux petites concurrences étalées jusque dans les sommets Chine-Afrique, France-Afrique ou Tuquie-Afrique? En rendant possible la circulation des personnes et des biens, le traité signé à Kigali en 2018 et ratifié à Abuja en 2019 permet aux africains de se retrouver et de dissoudre les antagonismes nationaux dans un ensemble continental viable.

Les espaces économiques ainsi crées réconcilient le présent avec les mémoires culturelles et historiques. Le zébu pourrait brouter du lac Tchad à l’Atlantique et l’homme bleu conduire sa caravane de Tlemcen à Tombouctou. Ceci pour la culture, l’histoire et l’identité retrouvées dans un magma de créativité, dans une harmonisation de la règle du droit, dans un marché du travail unique, un ciel unique et un puissant marché financier capable de lever des milliards d’Afro, d’Eco ou d’équivalents dollars. Un nouveau contrat social se nouerait ainsi entre le citoyen et l’État fédéral africain. Les jeunes africains n’auront plus le choix terrible de la traversée du désert et de la Méditerranée pour avoir droit à un avenir.

A l’exemple des USA, simples exportateurs du tabac et du coton au 19ème siècle, le meilleur levier pour la transformation des matières premières africaines, base de l’industrialisation, est le marché intérieur qu’il reste à dynamiser par des infrastructures ferroviaires, portuaires, routières, aéroportuaires et par la fibre optique et les infrastructures de télécommunication.

Sans un tel engagement vers la réinvention du présent, nos 1,2 milliard d’habitants, du Cap au Caire, ne seront qu’un simple agrégat de populations de 54 pays aujourd’hui, sans réalités juridique, fiscale ou économique communes. Si l’on basculait dans ce grand ensemble de 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050, nous serons à coup sûr la Chine du 21 ème siècle. La première ressource de l’Afrique fédérée ne sera ni le pétrole ni le diamant mais sa population. Il est temps d’agir.

Adama Wade

Financilafrik

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