Me Herman Yaméogo, Président de l'UNDD

A travers une déclaration, le parti politique l’UNDD de Me Hermann Yaméogo, préconise une saisie du Cour pénal international (CPI) pour enquêter sur le drame de Tanwalbougou. L’intégralité de la déclaration.

L’UNDD en tant que parti républicain communie à l’émotion générale ressentie, à la vue des images montrant les corps de ces 12 peuls ensanglantés, déchiquetés, aux têtes visiblement éclatées par des balles, démentant par le fait, la version Kafkaïenne selon laquelle ils seraient décèdes, à la suite d’une supposée asphyxie sévère dans leurs cellules.

Le parti dévasté comme beaucoup par cette cruauté satanique, s’associe à la douleur des ayants droits des victimes et leurs présente ses très sincères condoléances.

Les suspicions de génocide qui découlent des nombreux précédents, des tentatives de dissimulations, des témoignages poignants sur ces prétendus terroristes arrêtes en plein jour en plein marché, du ciblage ethnique des interpelles, et de l’extrême violence du drame de Tanwalbougou, sont à prendre très au sérieux.

Le souci justement partagé par nombre de burkinabè et de partenaires, de voir éclater la vérité dans le traitement sans esquives ni roueries de cette douloureuse, et odieuse tragédie en témoigne éloquemment.

Il faudrait conséquemment s’affranchir des habituelles déclarations de compassion de pures formes, pour donner des suites judiciaires (protégées des solidarités françafricaines ), à ce qui porte manifestement la griffe d’un crime contre l’humanité.

Il y va de la défense de nos libertés fondamentales, de l’honneur comme de la paix nationale.

Il y va aussi et il importe de le rappeler, des droits des Nations Unies qui définissent et fustigent le génocide, à travers l’historique résolution suivante : « Considérant que l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, par sa résolution 96 (I) en date du 11 décembre 1946, a déclaré que le génocide est un crime du droit des gens, en contradiction avec l’esprit et les fins des Nations Unies et que le monde civilisé condamne. »

Les Nations Unies, l’UA, la CEDEAO, les partenaires, les ONG de défense des droits humains et singulièrement le Collectif contre l’impunité la stigmatisation des communautés (CISC), sont légalement et principalement interpellées.

Ils doivent d’autant plus envisager cette issue judiciaire que nos autorités, ne montrent aucun entrain à prévenir ou à réprimer ces crimes à relents génocidaires. Et pourtant faut-il le remémorer, le Burkina Faso s’y est engagé dans de nombreux instruments internationaux.

Il l’a notamment fait en ratifiant en 1965, la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui dit ceci en son article 1 : « Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir. »

L’UNDD estime que tout est dit quasi militairement et que plusieurs voies de recours judiciaires sont effectivement autorisées au plan national, continental et international, par la nature du crime suspecté.

En national, et en prenant l’exemple de la commission d’enquête indépendante créée dans le cadre du dossier Norbert Zongo, les ONG de défense des droits humains, à la pointe du combat contre les violences intercommunautaires, pourraient exiger un mécanisme similaire, présentant des garanties d’indépendance et composée de membres avertis.

Le pouvoir de l’époque on s’en souvient, accusé d’entre à l’origine du drame de Sapouy et de vouloir inféoder la procédure à travers des enquêtes administratives et judiciaires maitrisées, avait été́ obligé sous de multiples pressions et spécialement populaires, d’accepter une commission d’enquête indépendante, faisant appel à des compétences nationales comme internationales.

Cet antécédent pourrait à plus forte raison être reproduit, que dans l’holocauste de plus de Tanwalbougou, les mêmes griefs sont encore formules à l’encontre du pouvoir actuel.

Les ONG seraient aussi en mesure de saisir pour enquête ou au fond, la cour de justice de la CEDEAO, ou la cour africaine des droits de l’homme et des peuples, mais on sait combien les Etats africains dont le nôtre, sont par les temps qui courent enclins à déconstruire, les acquis supra nationaux en matière d’intégration judiciaire Africaine.

Le parti même s’il est critique à l’endroit de la CPI, pense que de privilégier dans le cas d’espèce sa saisine pour enquête, pourrait mieux servir la cause et ce, davantage même qu’en se pourvoyant aux mêmes fins au niveau du conseil de sécurité. On sait en effet qu’à cette hauteur, par le jeu de l’activisme diplomatique, le seul veto d’un membre permanent pourrait enrayer une telle initiative.

Pour l’UNDD, il faudrait que justificatifs à l’appui, l’on saisisse par conséquent au plus vite, en dénonciation de crime contre l’humanité visant l’élimination d’une ethnie, celle peul, le parquet de la CPI qui à compétence en la matière pour enquêter.

C’est vrai qu’une double enquête administrative et judiciaire semble engagée en national et que certains pourraient de ce fait, invoquer le principe de complémentarité pour soutenir l’irrecevabilité de la saisine, mais qu’ils sachent que le principe limitatif de subsidiaire attaché à la CPI n’est pas absolu.

Quand l’État partie, comme c’est manifestement le cas en l’espèce, n’est pas en mesure de traiter le dossier en équité et sans faux fuyants, le parquet (cela est autorisé dans les statuts de la CPI que le Burkina Faso a ratifié le 15 avril 2004), peut passer outre les procédures déjà engagées pour donner le change, et en initier d’autres. Article 15:
« Le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu de renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour ». C’est la clause proprio motu.

Ici il ne faut pas s’y méprendre, ce n’est pas tant les subordonnes que les hiérarchies militaires, civils, les autorités qu’il faut actionner pour le crime et c’est là un enseignement constant de tous les génocides.

Le statut de Rome en son article 28 iii) prévoit notamment cette mise en cause dans le cas ou : «Le supérieur hiérarchique n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites »

On n’oubliera pas surtout l’article IV de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, ainsi articulé : « Les personnes ayant commis le génocide ou l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III seront punies, qu’elles soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des particuliers.»

Encore une fois on ne peut soutenir que le pouvoir, comme il y était obligé, ait tout mis en œuvre pour prévenir et réprimer ces crimes à vocations génocidaires.

Il faut par ailleurs à cet égard toujours avoir à l’esprit, qu’avant tanwalbougou et en dépit de précoces et incessantes mises en garde, il y’a eu entre autres : Yirgou dans le centre- Nord, Barga Dinguila, Kain, Ouro et Banh dans le Nord, Djibo dans le Sahel, Barsalogo dans le centre Nord, Arbinda dans le Sahel.

Rien n’assure au demeurant que sans riposte judiciaire ferme, l’enchainement diabolique ne nous conduira pas comme beaucoup le redoutent, d’escalade en escalade à la guerre civile.

Ne disons pas que ça, ça n’arrive qu’aux autres. Qui pouvait imaginer il y’ a juste quelques six ans, que le Burkina Faso référence internationale en matière de cohésion sociale, ethnique et religieuse, exemplaire rempart sécuritaire contre les djihadistes reconnu de tous, serait aujourd’hui la proie facile de ces prédateurs, et autres chefs de guerres ethniques ?

Les raisons de redouter cette issue fatale existent à fortiori, puisque nous sommes, (et une enquête de la CPI le ferait ressortir), dans un contexte de récidive génocidaire chronique et même en voie de structuration quasi institutionnelle.

C’est pour conjurer ce sort funeste, qu’au-delà de la réprobation de ces horribles crimes qui insultent nos valeurs fondatrices et troublent le sommeil de nos justes, il urge d’actionner la justice pénale internationale qui depuis le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), est coutumière de ce type de saisine.

Dans la vie des nations, et des peuples il est des moments ou sublimant toutes autres considérations, les citoyens à titre individuel ou à travers leur organisations partisanes, sociales, religieuses, coutumières doivent pour la sauvegarde de la mère patrie, accepter en retour de ses bienfaits, de lui payer jusqu’au tribut le plus fort, en retour de gratitude et de dévouement.

La présente déclaration qui mesure la gravité des moments que nous vivons, est en même temps qu’une volonté́ de distanciation assumée par rapport à la complicité par le silence, un refus explicite de l’accoutumance à ces morts non naturelles et des plus inhumaines, qui visent plus que des individus, un groupe ethnique.
C’est pourquoi elle participe de ce devoir citoyen et patriotique d’affiliation à la nation.

Me Hermann Yameogo

Président de l’UNDD

Laisser un commentaire