Pasteur Jude Sawadogo :"Nous menons un combat contre la pauvreté, un combat pour l’éducation pour tous, un combat contre la délinquance juvénile, un combat pour la santé de la reproduction, bref, un combat pour le développement durable qui rime d’abord avec l’éveil des consciences de chacun et de tous"

Calme, avec un ton mesuré qui capte l’attention à l’écoute, le Pasteur Jude Sawadogo du ‘’Temple la Montagne de l’Éternel’’ à Ouagadougou, mène depuis plusieurs décennies dans la discrétion totale au Burkina Faso des œuvres de charité à l’endroit des enfants en difficulté et des filles-mères abandonnées. Dans des conditions très modestes, ces enfants en difficulté sont regroupés dans un Centre éducatif où ils reçoivent un encadrement dans l’enseignement général et la formation professionnelle en agriculture. Les moyens font défaut certes, mais Dieu a toujours fait des merveilles pour accompagner les bonnes intentions. C’est ainsi que le centre du Pasteur Jude Sawadogo enregistre chaque année des succès au Certificat d’étude primaire (CEP) au Brevet de l’enseignement du premier cycle du secondaire (BEPC) et au baccalauréat de l’enseignement supérieur. Des enfants, hier désœuvrés et errants dans la rue, ont retrouvé le sourire et l’insertion dans la vie active grâce au Centre du Pasteur Jude Sawadogo. Un centre qui pourrait davantage servir mieux si des partenaires l’accompagnaient. Nous avons rencontré le Pasteur de la charité dans son bureau pour mieux découvrir son Centre, les ambitions, les difficultés et les perspectives. Un entretien digne d’intérêt !

« C’est l’occasion pour nous de lancer un appel à toutes les personnes physiques ou morale de bonne volonté à nous apporter des soutiens et des encouragements ».

Pasteur Jude Sawadogo, quel est votre cheminement dans le service des œuvres du Seigneur ?

Permettez-moi de vous rappeler aussi brièvement mon parcours administratif. J’ai eu à faire une carrière administrative précisément à l’OPT (Office des Postes et Télécommunications à l’époque, qui est l’ONATEL aujourd’hui. J’ai quitté l’administration, car Dieu m’a parlé si bien que j’ai abandonné ma propre vision de la vie pour accomplir la volonté du Seigneur. Il faut souligner que ma démission à l’OPT n’a pas été agréablement accueillie.  Donc, après ma démission je suis rentré dans une école théologique qui est la porte d’entrée pour exercer en toute connaissance de cause l’œuvre pastorale. J’ai suivi la formation pendant trois ans. A la sortie de la formation, mon devoir était maintenant de mettre en pratique les enseignements reçus. Ce qui est particulièrement inné en moi, est que j’ai un sentiment assez fort pour les enfants et les filles en difficulté. Pour la simple raison que dans notre société, certaines pesanteurs socioculturelles font que généralement les filles en grossesse hors mariage sont mal vues dans leur milieu familial et dans la société en générale. Par contre à les écouter on se rend compte qu’elles sont victimes involontaires de leurs situations. Et dès fois, les parents eux même sont responsables. La première église où je suis sortie, j’ai eu à encadrer près de 200 enfants en difficulté. C’est à partir de là que j’ai créé une association exclusivement consacrée aux enfants et filles-mères en difficulté.

«Nous rencontrons des difficultés liées à l’insuffisance des infrastructures, du matériel pédagogique, des encadreurs techniques etc.»

Effectivement nous avons ouïes dire que le Pasteur Sawadogo est plus engagé dans le développement communautaire à travers l’Association Shalom pour le Développement. Parler nous de sa genèse et l’esprit qui la sous-tend ?

C’est en 1977 que j’ai commencé à m’intéresser aux œuvres de la charité. L’association n’était pas encore créée, mais dans l’informel j’avais déjà débuté le travail avec une quinzaine d’enfants. Finalement c’est en 1998 que j’ai formalisé l’association avec l’autorisation du ministère de l’action sociale. Ce qui m’a permis d’obtenir tous les documents administratifs qui s’imposent à savoir un récépissé. A partir de ce moment j’ai pu obtenir avec l’aide des amis, des moyens financiers pour construire modestement un orphelinat composé de six salles et d’un dortoir. Certes, c’est comme une goutte d’eau dans la mer, mais le pas que j’ai franchi témoigne de ma volonté à jouer ma partition dans la résolution des cas sociaux au Burkina.

Pasteur, plus spécifiquement quel est le champ d’action de l’Association Shalom pour le développement ? Et qu’elle est sa zone d’intervention prioritaire au Burkina ? L’Association Shalom pour le développement a comme action prioritaire, la réinsertion des enfants et filles-mères dans le système éducatif et la formation professionnelle, afin de leur donner une chance à s’insérer dans la vie active.

«Nous avons foi à ce que nous faisons et sur ce point je ne doute pas que nous continuerons à bondir de mieux en mieux »

Nous rencontrons des difficultés liées à l’insuffisance des infrastructures, du matériel pédagogique, des encadreurs techniques etc.    Par ce que la demande est croit d’année en année, alors que nos moyens sont limités.

C’est l’occasion pour nous de lancer un appel à toutes les personnes physiques ou morale de bonne volonté à nous apporter des soutiens et des encouragements. Le problème des enfants dans la rue et des filles-mères abandonnées est une réalité dans notre cité et nécessite une prise de conscience individuelle et collective pour résorber le fléau. La zone d’action de l’association est le Burkina car nous recevons des enfants venant des quatre coins du pays. Il faut dire de même que j’ai déjà séjourné un bout de temps en Albanie où on m’a confié un centre similaire pour partager mon expérience. Aussi, une fois j’ai été au Bénin dans le cadre de l’évangélisation ou une dame m’a approché pour me solliciter l’encadrement de sa fille qu’elle a eu avec un burkinabè en Côte d’Ivoire et qui l’a abandonné. C’était triste le récit et finalement j’ai accepté.

L’éducation, la formation professionnelle en agriculture, la promotion de la santé de la mère et de l’enfant, constituent votre cheval de bataille pour parvenir au développement durable. Comment évolues concrètement toutes ces actions sur le terrain ?

Je suis très ravie de cette question ! Tout évolue lentement mais sûrement avec les moyens de d’abord. Je rencontre des partenaires et j’avoue que nous discutons d’égale à égale dans le respect réciproque de la dignité de l’autre. Je valorise ma vision et mon engagement à y parvenir. Si bien que les soutiens conditionnés aux antipodes de mes objectifs n’ont pas mon adhésion. Dieu merci, sur le chemin je rencontre aussi des bienfaiteurs avec qui nous regardons dans la même direction. Je suis satisfait de l’évolution de toutes les actions sur le terrain, même s’il y a toujours du chemin à faire. Nous avons foi à ce que nous faisons et sur ce point je ne doute pas que nous continuerons à bondir de mieux en mieux.

Avez-vous des structures appropriées pour mener à bien l’encadrement éducatif, la formation professionnelle et l’assistance sanitaire à votre population cible ?

Bien sûr ! Il en existe, même si la perfection doit être continuelle. Tout se construit dans le temps. Des bonnes volontés nous accompagnent à la limite aussi de leurs moyens. C’est déjà très salutaire. Nous ne faisons la pression à personne. Toujours est–il que les bénéficiaires, les encadreurs sont tous animés d’un esprit de compréhension mutuelle et l’atmosphère est agréable dans le centre.

Présentement combien d’élèves bénéficient de votre accompagnement ? Et au niveau de la santé ?

Dans le centre nous avons commencé avec une quarantaine d’enfants. Présentement l’effectif a baissé car certains parents ont compris que l’éducation de leurs enfants leurs incombe. J’ai fait établir des actes de naissance pour la quasi-totalité des enfants. L’autre difficulté est que le ministère de l’action sociale interdit le mixage dans le centre. Donc, les filles-mères sont restées dans leurs familles respectives et reçoivent notre assistance comme il se doit.

Pasteur, toutes vos œuvres nécessitent sans doute des moyens financiers et matériels adéquats. Y a-t-il un apport symbolique des bénéficiaires ? Avez-vous des partenaires qui vous apportent un soutien quelconque ?

D’abord quand nous avons accueillis les enfants nous avons sollicité aux parents de nous apporter un soutien en vivre, mais nous n’avons pas reçu un écho favorable. Donc, nous avons assumé l’intégralité de leur prise en charge sur le plan alimentaire, vestimentaire, et sanitaire.

Fort heureusement, j’ai un ami en Suisse qui a eu un regard attentif sur ce que nous faisons et nous a soutenu de façon inestimable en matériel pédagogique et un véhicule. Mieux, chaque année il vient nous rendre visite au Burkina. Pour tout dire, le centre n’a pas encore de parrain, nous n’avons pas de soutien structurel. Dieu merci, chaque année nous avons des admis au Certificat d’étude primaire (CEP), au Brevet d’étude du premier cycle (BEPC), au Baccalauréat etc.

Avez-vous déjà entrepris des démarches pour avoir des partenaires sans succès ?

A vrai dire, je ne sais pas comment cette démarche s’effectue. Grand merci pour cette question,  par ce que je souhaite que s’il y a des ONG, des institutions, des structures à caractère social, des personnes physiques qui mènent le même combat que nous de nous apporter leurs expertises, leurs soutiens multiformes pour nous accompagner. Tout simplement parce que nous menons un combat contre la pauvreté, un combat pour l’éducation pour tous, un combat contre la délinquance juvénile, un combat pour la santé de la reproduction, bref, un combat pour le développement durable qui rime d’abord avec l’éveil des consciences de chacun et de tous.

De nos jours le système éducatif et la formation professionnelle au Burkina se heurtent à l’épineux problème d’insertion sociale des débouchés. Avez-vous un suivi particulier de vos élèves pour leur employabilité ?

Franchement, en ce qui concerne l’insertion dans la vie professionnelle de nos élèves nous sommes très limités. Rien que l’encadrement est déjà un défis que nous relevons. Après la réussite de leurs examens beaucoup font des concours. Encore Dieu merci, certains sont admis dans les différents concours et d’autres poursuivent leurs études dans l’enseignement secondaire et à l’université. Parmi certains de nos élèves il y a des policiers, des enseignants etc. L’encadrement a également permis certaines filles de fonder un foyer et mène une vie responsable. Quand je regarde tout cela, je suis fier d’avoir fait une œuvre utile dans la société.

Les initiatives de l’Association Shalom pour le Développement n’est pas une particularité au Burkina, car des œuvres similaires existent. Est-ce une complémentarité ? Existe-t-il une collaboration ?

Dans ce secteur chacun évolue indépendamment de l’autre. A la limite il y a un esprit de leadership qui ne s’exprime pas. Comme nous sommes tous des responsables, il ne faut pas laisser les enfants percevoir ces petites scènes sans intérêt.

Pasteur, c’est aussi bien connu que dans votre milieu il existe de brebis galeuses qui usent de la pauvreté d’une certaine couche de la population pour arnaquer des bailleurs extérieurs. N’est-ce pas ? Comment distinguer le bon grain de l’ivraie?

Vous me posez ici une question pertinente et difficile à répondre. Effectivement ce que vous affirmez est juste.  Moi-même j’en ai rencontré des cas déplorables. J’ai voyagé en Europe et j’ai entendu parler de certains de nos frères qui ont eu un comportement déshonorable, car ayant abusé des partenaires à l’extérieur. Je pense que quand on s’engage pour servir les œuvres de Dieu, il faut être exemplaire au sens de la droiture, l’honnêteté, l’humilité et la sagesse.

Votre dernier mot ?

Que Dieu nous donne toujours cette volonté de poursuivre nos œuvres. Qu’il nous ouvre des opportunités qui nous permettrons d’agrandir le centre et accueillir encore un nombre significatif d’enfants et de filles-mères en difficulté. Aimons nous les uns des autres signifie

Pasteur Jude Sawadogo, signant le livre d’Or de iburkina

d’avoir constamment l’esprit du partage, de la solidarité et du pardon. Notre Amour envers Dieu doit se traduire dans les actes avec nos semblables. Unissons nos énergies dans tous les combats pour le bien-être de notre société. A ce stade de la compréhension de la vie, règnera alors l’harmonie, la concorde et la paix. Nous appartenons tous à une seule famille : la famille burkinabè !

Interview réalisée par Aimé Zoungrana

 

 

 

 

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