Des tirs de sommations de policiers qui atteignent mortellement un individu dit suspect, une interpellation policière d’un jeune homme fiché par les renseignements qui tourne au drame. Que faut-il en déduire ? Les Burkinabè sont-ils devenus si inciviques au point qu’ils refusent d’obtempérer aux injonctions de la force publique ou bien ce sont les policiers qui font plutôt preuve d’imprudence ? L’opinion du Mouvement des Peuples Citoyens

Dans la nuit du dimanche 12 mai 2019, dans les environs de l’échangeur de Ouaga 2000, à la hauteur des feux tricolores de l’IAM, un individu dit suspect est mort suite à des tirs de sommation de l’Unité d’Intervention polyvalente (UIP) de la police nationale. Selon le communiqué de la police, l’individu aurait refusé de se soumettre aux tirs de sommation, il aurait pris la fuite en se refugiant dans un caniveau couvert. Dès le lendemain 14 mai, la police se fend d’un communiqué expliquant en substance qu’«après avoir refusé de se soumettre aux injonctions des policiers, l’individu a pris la fuite en se dirigeant vers l’échangeur de Ouaga 2000 où il s’est introduit dans un caniveau couvert. Face à sa volonté manifeste d’échapper aux éléments, ceux-ci ont procédé à des tirs de sommation afin de l’obliger à sortir du caniveau. Malheureusement, il a été mortellement atteint. Le corps a été retiré du trou du caniveau et une enquête a été ouverte, l’individu ne portait aucun document sur lui permettant de l’identifier ».

Et qu’est-ce qu’un tir de sommation ? Selon le moteur de recherche Google, « un tir de sommation est un avertissement impératif et réglementaire d’une sentinelle de l’armée ou d’un policier dans l’exercice de ses fonctions. Par analogie, un tir de sommation est un tir d’artillerie ou d’arme à feu réalisé en vue d’intimider un adversaire sans lui porter de dégâts physiques. Il peut précéder l’ouverture d’hostilités réelles si celui-ci ne procède pas à une capitulation ou à toute autre action indiquant sa volonté d’entrer en pourparlers «.  En de pareille circonstance, la police ne dispose-t-elle pas de la logistique appropriée et de tout autre moyen technique de dissuasion pour faire sortir un suspect d’un caniveau sans forcement porter atteinte a son intégrité physique ? D’ailleurs, comment un individu, fut-il suspect, qui fuit en se réfugiant dans un caniveau couvert, peut-il constitué potentiellement un danger ? La fuite et la « cachette » ne sont-elles pas la preuve déjà de sa capitulation dictée par la prise de conscience de sa vulnérabilité ?  Le « suspect » est-il mort sur place, dans un centre de santé ou en cours de route ? Nous attendons de voir ce qui sera mentionné sur son certificat de décès ! Le communiqué de la police indique que l’individu ne portait aucun papier d’identité sur lui au moment des faits ? Qui était là-bas au moment de la fouille corporelle pour confirmer ce constat ? Il eut fallu, estimons-nous, que la police rédige un 2e communiqué invitant la population à un appel à reconnaissance d’un corps non identifié. Il y va de la crédibilité de la police en publiant avec célérité le résultat de l’autopsie attestée par une expertise médico-légale neutre. Comme d’habitude, la police rassure en affirmant qu’une enquête sera ouverte ! Nous avons interrogé de nombreuses sources y compris la police : nous savons des choses mais nous nous gardons, à l’étape actuelle d’en livrer les détails pour ne pas violer cette prétendue confidentialité de l’enquête.

Le deuxième fait

Au mois de novembre 2018, trois policiers en civil du Commissariat central de Ouagadougou, en mission commandée, ont été aperçus dans la journée au quartier Pag-Layiri / Cissin, près du maquis Nouffou, à la hauteur du pont de Cissin. Les policiers étaient venus interpeller Souleymane Ilboudo, un homme trentenaire, fiché par la police. Grace à un téléphone portable de recel que détenait la copine du jeune homme, la police a pu remonter jusqu’à Souleymane Ilboudo. La petite amie du jeune homme avait été, auparavant, retenue en garde-à vue puis relâchée.

Ayant aperçu les policiers, le jeune homme s’est mis à fuir. Une corse-poursuite entre le présumé suspect et les policiers s’est engagée en pleine journée dans les ruelles du quartier Cissin, sous le regard curieux de la population. Quelques temps après, des témoins nous ont confié avoir entendu des coups de feu. Souleymane Ilboudo a été rattrapé par les policiers mais il semblait déjà mal en point. Il demande de l’eau à boire. On court en chercher : il en boit, on en verse aussi sur lui. Il est pris d’un malaise ! Il est jeté rapidement dans le véhicule de la police. Les policiers se dirigent précipitamment au CSPS de l’ex-Secteur 15, sis derrière le commissariat de Bogodogo (rond point de la Patte d’Oie). Souleymane Ilboudo meurt en cours de route dans le véhicule. Son corps est déposé d’abord au CSPS de l’ex-Secteur 15, avant de suivre, comme d’habitude, une autre procédure.  Aussitôt après, un gros mouvement de la hiérarchie judicaire a commencé à se mettre en branle. Des témoins ont vu le corps à la morgue de l’hôpital Yalgado Ouédraogo. Qu’en est-il de l’autopsie réalisée par la police ? Nos sources affirment que l’étape de l’enquête préliminaire est achevée et que l’« affaire »  a été transmise à la hiérarchie judiciaire. Depuis huit mois, l’enquête « suit son cours » comme d’habitude.  Journaliste et acteur de la société civile, nous avons mené nos propres investigations : des témoins oculaires se sont confiés. Le silence pèse et joue contre la vérité alors que la douleur est grande.

Aidons les forces de sécurité

Le Mouvement des Peuples Citoyens (MPC) en convient que, les populations doivent effectivement se soumettre en tout temps et en tout lieu aux contrôles et aux injonctions des policiers car il y va de leur sécurité en ces temps d’insécurité généralisant et de psychose généralisée. Mais aussi il est surtout du devoir des organisations de la société civile, et des Organisations de Défense des Droits de l’Homme d’exiger toute la lumière sur ces interpellations policières qui ont fini par un drame. Elles sont dans leur rôle. Et ce d’autant que, aux termes de la Loi No 064-2015/CNT du 20 octobre 2015 portant liberté d’association, les Organisation de la société civile (OSC) participent à l’éveil des consciences citoyennes. Elles ont une mission de veille citoyenne permanente. Aussi, le Mouvement des Peuples Citoyens (MPC) qui est ici dans son rôle, demande aux autorités dépositaires de la force publique d’éclairer l’opinion nationale sur les circonstances de la mort par tirs de sommation de l’individu-fuyard du 13 mai 2019, et les mobiles de la mort du jeune Souleymane Ilboudo au mois de novembre 2018 à Ouagadougou.

Le Coordonnateur National du MPC

Idrissa NOGO ( babssonnogo@yahoo.fr)

 

 

 

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