Cardinal Philippe Ouedraogo, archevêque métropolitain de Ouagadougou
Frères et sœurs bien-aimés, Tel est le message de Noël que les anges du ciel accompagnent de leur chant d’action de grâce en cette nuit : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur terre aux hommes qu’il aime » (Lc 2, 14). L’Église universelle accueille ce message de grâce et nous invite à nous unir à la troupe céleste innombrable et à toute l’humanité pour louer Dieu et le magnifier pour toutes ses merveilles d’amour. Oui ! Aux juifs déportés à Babylone, confrontés à un misérable sort, le prophète Isaïe ranime l’espérance en chantant la naissance du Dieu Sauveur : « Il est Roi », le Messie promis et donné au bénéfice de toutes les nations. Ce Roi libérateur, c’est Jésus de Nazareth, né de Marie, présence de Dieu parmi ses frères humains. C’est Noël, « un Sauveur nous est né : c’est le Christ, le Seigneur, Emmanuel, Dieu avec nous ! ».

En cette nuit de Noël, contemplons ce roi emmailloté et couché dans la mangeoire. Sa naissance nous lance des appels forts : Le respect de la vie humaine, le respect de la vie divine du Christ et la nécessité de construire ensemble la paix en menant une bonne politique au service du bien commun.

I. Le respect de la vie humaine

Les Bergers de Bethléem accueillent la naissance de l’enfant Dieu comme une bonne nouvelle. Marie et Joseph protègent le bébé, et malgré le manque de place à l’auberge, donnent à cet enfant divin, toute leur chaleur humaine. Notre humanité est appelée, elle aussi, à accueillir la vie et à la protéger, à l’instar de la Vierge Marie, de Saint Joseph et des Anges de Dieu.

Notre monde actuellement balloté par la culture de la mort chosifie et banalise la vie, en prônant l’avortement, l’euthanasie, l’homicide qui va jusqu’aux attentats de tout genre. Des femmes et des hommes cèdent à l’avortement volontaire, des femmes jettent leurs bébés dans des caniveaux, dans des fosses septiques ! Une société burkinabé assaillie par des attentats et des actes de terreurs qui entrainent de grandes pertes en vie humaine et compromettent l’éducation de nos enfants par la fermeture d’écoles. La naissance du Christ constitue un véritable cri pour la culture de la vie.

Pour nous chrétiens en matière d’éthique, la Bible et le Magistère constituent les points de repère essentiel. Le 5ème commandement de Dieu stipule : « Tu ne tueras pas » (Mt 19,18). La vie est confiée à l’homme comme un trésor à ne pas dilapider, comme un talent à faire fructifier. L’homme doit en rendre compte à son Seigneur (cf. Gn 9, 5 ; Mt 25,14-30 ; Lc 19,12-27). Le Pape Jean-Paul II dans sa Lettre Encyclique Evangelium Vitae, nous apprend que la vie humaine est sacrée et inviolable. Dans son n°53, il affirme avec énergie que « La vie humaine est sacrée parce que, dès son origine, elle comporte « l’action créatrice de Dieu » et demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, son unique fin. Dieu seul est le Maître de la vie de son commencement à son terme : personne, en aucune circonstance, ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être humain innocent ». « Tu ne tueras pas ».

Une certaine gouvernance mondiale ou idéologique actuelle tend à imposer une dictature de la pensée unique à tous les pays, c’est-à-dire promouvoir le principe d’avortement pour tous, sans restriction aucune. Au Burkina Faso, la banalisation toujours plus croissante de l’avortement et d’une mentalité abortive est préoccupante.

À ce sujet, nous interpellons nos gouvernants à prendre des dispositions utiles avec discernement pour préserver notre nation de ce spectre de la culture de mort. Un des défis majeurs est de lutter contre la destruction de la vie des plus vulnérables, mais aussi de prendre des dispositions pour promouvoir le Bien Commun et améliorer les conditions de vie des populations. De nos jours, des célibataires tout comme des couples sont souvent confrontés à des détresses et des drames de consciences. Les jeunes, élèves et étudiants, en ce siècle de libertinage et de libéralisation sexuelle, n’échappent pas à ce phénomène. Le canon 1399 du Code du droit canonique stipule clairement que la participation active à un avortement est un délit, punissable si l’avortement est suivi d’effet, d’une excommunication latae sententiae. Par avortement, il faut entendre l’élimination d’un fœtus vivant, quelle que soit la manière dont elle est réalisée et à n’importe quel stade de sa conception. Un chrétien qui pratique l’avortement ainsi que les complices d’un avortement commettent un péché grave, mortel. Ils doivent demander humblement pardon au Seigneur avant de recevoir l’Eucharistie.

Pour le croyant, la vie humaine est finalement un don de Dieu à accueillir, à respecter surtout parce qu’il s’agit de l’être le plus fragile, le plus innocent que l’on puisse imaginer. En cette nuit de la Nativité, où nous célébrons et accueillons la naissance du Fils de Dieu, prions pour tous ceux qui perdent la vie de par l’action des hommes et des femmes de ce temps. Et que brille la lumière du Christ sur les ombres de notre monde en quête d’humanisme, de justice et de paix.

II. Le Respect de la vie divine du Christ, comme ultime révélation du Père : Le Christ Jésus « Médiateur et Plénitude de toute la Révélation »

Frères et sœurs, Dieu a tout dit en son Verbe. « Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé par les prophètes, Dieu en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par son Fils » (He 1, 1-2). Aussi, je voudrais profiter de l’opportunité de cette célébration de Noël pour attirer l’attention des donneurs de visions, de messages et de révélations et tous ceux qui courent à la recherche d’une spiritualité sensationnelle, notamment dans certains groupes de prière.

Le Catéchisme de l’Église Catholique précise clairement que « Le Christ, le Fils de Dieu fait homme, est la Parole unique, parfaite et indépassable du Père. En Lui, Il dit tout, et il n’y aura pas d’autre parole que celle-là » (CEC n°65). Saint Jean de la Croix, dans son ouvrage spirituel, « La montée du Carmel », l’exprime de façon lumineuse, en commentant He 1, 1-2 : « Dès lors qu’Il nous a donné son Fils, qui est sa Parole, Dieu n’a pas d’autre parole à nous donner. Il nous a tout dit à la fois et d’un seul coup en cette seule Parole et il n’a rien de plus à dire ; car ce qu’Il disait par parties aux prophètes, Il l’a dit tout entier dans son Fils, en nous donnant ce tout qu’est son Fils » (Carm. 2, 22, 3-4).

En cette nuit de Noël, j’interpelle fortement les chrétiens qui suscitent et promeuvent des révélations privées et qui, les rendant publiques par tous les moyens, attirent des adeptes, forment des mouvements de spiritualité à caractère sectaire et quelques fois à but lucratif. Un groupe spirituel n’existe pas pour se faire de l’argent. Ce n’est pas le lieu pour les chrétiens de payer leur denier de culte, ni de donner leurs dîmes. Notre Église Famille de Dieu ne doit pas se lancer dans la recherche de sensations nouvelles. Des révélations spirituelles intempestives, ainsi que des courants mystiques attirent des chrétiens qui croient souvent y trouver des solutions miracles à leur problème.

Saint Jean de la Croix nous met tous en garde : « celui qui voudrait maintenant l’interroger, ou désirerait une vision ou une révélation, non seulement ferait une folie, mais ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ, sans chercher autre chose ou quelque nouveauté » (Carm. 2, 22, 5). Ainsi, désirer et émettre des visions, messages et révélations, dit-il, c’est manquer de foi dans le Christ, c’est même faire injure au Fils Bien-aimé du Père que de désirer des visions et des révélations. « Celui-ci est mon Fils Bien-Aimé en qui j’ai mis ma complaisance : écoutez-le » (Mc 9, 7). « Heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique » (Lc 11, 28). Faisons de la Parole de Dieu, le cœur de notre vie chrétienne, personnelle, familiale, communautaire. Si nous ne vivons pas l’Evangile, Jésus ne vit pas en nous.

III. La bonne Politique au service de la paix

Chers fils et filles de l’Église Famille de Dieu, dans son message pour la 52e Journée Mondiale de la paix, célébrée le 1er janvier 2019, notre Saint Père le Pape François nous exhorte en ces termes : « La responsabilité politique appartient à chaque citoyen, et en particulier à ceux qui ont reçu le mandat de protéger et de gouverner. Cette mission consiste à sauvegarder le droit et à encourager le dialogue entre acteurs de la société, entre les générations et entre les cultures. Il n’y a pas de paix sans confiance réciproque. Et la confiance a comme condition première le respect de la parole donnée. L’engagement politique – qui est l’une des plus hautes expressions de la charité – comporte la préoccupation pour l’avenir de la vie et de la planète, des plus jeunes et des plus petits, dans leur soif de réalisation ».

Frères et sœurs, en cette fête de Noël 2018, eu égard aux multiples défis auxquels est confrontée notre société burkinabè, je voudrais que nous prêtions une oreille attentive à ces propos de notre Saint Père, et cela pour notre gouverne personnelle et communautaire.

Si nous voulons le Bien de notre Peuple burkinabè, nous devrions nous sentir tous interpellés. Au regard du contexte d’insécurité et de la conjoncture socio-économique, une interpellation pressante s’adresse à tous ceux qui ont reçu le mandat de protéger et de gouverner, de sauvegarder les droits et devoirs de tous les citoyens sans discrimination aucune. Le Bien commun est la raison d’être de l’autorité publique (CEC n° 1910). Par conséquent, l’État et toutes ses institutions politiques et administratives ont le devoir de garantir la cohésion et l’unité nationale de sorte que le Bien commun puisse être poursuivi avec la contribution de tous les citoyens. Cela suppose la nécessité d’une gouvernance vertueuse et d’une traque plus affirmée de la corruption et des détournements des deniers publics. Tous les responsables à tous les niveaux doivent donner l’exemple de la bonne gouvernance dans la gestion de la chose publique, dans les marchés publiques, le trafic d’influence, placer les hommes qu’il faut aux places qu’il faut, sanctionner les agents indélicats dans les administrations et promouvoir l’amour du travail bien fait avec professionnalisme, dévouement et loyauté.
À chaque citoyen, le Saint Père rappelle « la responsabilité politique, c’est-à-dire le devoir de tout un chacun à contribuer effectivement à la construction de la nation, à la promotion du Bien Commun. Les luttes légitimes pour l’amélioration des conditions des travailleurs ne devraient jamais perdre de vue l’équité et la justice sociale face à la grande majorité des sans-voix que sont les petits, les chômeurs, les non-salariés, les plus pauvres de toutes les catégories.

Avec le pape François, nous encourageons fortement le dialogue entre les acteurs de notre société burkinabè pour trouver les solutions consensuelles eu égard aux différents défis inhérents à la vie de toute société.

CONCLUSION

Frères et sœurs, en cette fête de Noël, à l’instar des Bergers, allons à la crèche de Bethléem rencontrer le vrai Dieu, notre Sauveur. En cette nuit sainte de la Nativité, prions afin que le Verbe fait chair nous fortifie dans la foi, l’espérance et la charité et fasse de nous les témoins crédibles de sa resplendissante lumière pour bâtir ensemble un monde plus humain, plus solidaire, plus fraternel.

À toutes et à tous, joyeuse et sainte fête de Noël !
Bonne et heureuse Année 2019.

Philippe Cardinal OUEDRAOGO
Archevêque métropolitain de Ouagadougou

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