Issaka SOURWEMA Naaba Boalga Chef traditionnel du village de Dawelgué Canton et commune de Saponé

L’auteur du point de vue ci-dessous pose un problème de fond. Il se demande s’il est permis à un citoyen travaillant dans un service public d’accrocher ou d’installer un fétiche dans son bureau , étant donné que les autres, chrétiens et musulmans, prient souvent dans leurs bureaux ou dans des endroits dédiés à cela et ce, en dépit du caractère laïc de l’Etat burkinabè. Lisez plutôt !

Aujourd’hui, une habitude s’est installée qui veut que, malgré le caractère laïc de l’État, les citoyens pratiquent (au sens large), même dans les services publics, leurs religions soit en priant dans leurs bureaux ou des endroits dédiés à cela, soit en écoutant de la musique religieuse (parfois avec les équipements informatiques de l’Etat), soit en affichant sur les murs de leurs bureaux des calendriers, des objets du culte ou d’adoration ou encore de vénération. Dieu étant partout et devant être prié de tout temps (quelle que soit la manière), ces formes de religiosité sont compréhensibles.

Tout en étant donc d’avis que les employés du service pratiquent leurs religions dans les services étatiques, quelques questions me viennent soudainement à l’esprit que j’adresse aux pouvoirs publics et aux responsables religieux :

Est-ce qu’un agent public pratiquant de la religion traditionnelle peut installer au sein de son service public son fétiche  apporté du village afin de lui faire des offrandes (galettes, beignets, poulets, boucs…) de temps en temps ?

Dans l’hypothèse où il n’a pas de fétiche au village, peut-il en créer un à son lieu de travail et se livrer librement à la pratique de sa religion ?

Certes, les pratiquants de cette religion ne sont pas légion ou ne l’avouent pas mais s’il advenait un jour qu’un agent public décide de clamer sa foi en cette religion et entreprend de poser cet acte, que ferait l’État ?

En effet, notre constitution stipule en son article premier que « Les discriminations de toutes sortes, notamment celles fondées sur […] la religion […] sont prohibées. » Elle ajoute dans son article 7 que la liberté de croyance et d’opinion religieuse est garantie. Le fait que le législateur a également pris le soin de dire, à l’article 5, que « Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas » s’applique à la pratique de la religion traditionnelle.

Dans l’attente des réponses des pouvoirs publics.

Au vu de toutes ces références constitutionnelles, ne serait-il anticonstitutionnelle d’empêcher un citoyen de se livrer à la pratique de sa religion (traditionnelle) ou de lui interdire d’accrocher dans son bureau des sachets plumeux contenant des poudres noires ? En attendant que les pouvoirs publics nous donnent des réponses, voici ce que nous en pensons :

Certes, des préjugés et des stéréotypes alimentent le lit de la rivière de stigmatisations qui frappent les religions traditionnelles qu’on assimile bien souvent au satanisme. S’il est vrai que des pratiques sataniques y ont parfois cours, il n’est ni moralement juste (à l’instar des autres, ces religions font de ce qui est bon, bien, vrai des valeurs), ni scientifiquement rigoureux (des constats individuels et empiriques ne suffisent pas à tirer des conclusions ou règles générales). Il peut donc se révéler suspect de déduire que ces religions ne sont qu’expressions du satanisme en tous points.

En fait, toute forme de croyance en un être transcendantal est noble et c’est ce que le législateur veut nous faire comprendre à travers ces dispositions législatives. Cependant, de tout élément sacré (écritures, incantations, etc.) d’une religion, on peut tirer des aspects pour (ou avec pour intention de) nuire à autrui à travers des sorts que l’on jette. Ce n’est donc pas la religion elle-même qui est le problème, c’est l’usage que l’être humain en fait. C’est malheureusement de ce type de problème que souffre l’islam que certains musulmans (ou qui se réclament tels) dévoient et pourfendent en prétendant le défendre contre les infidèles. Vouer aux gémonies certaines religions ou confessions religieuses ou jeter l’anathème sur elles sur des bases aussi fragiles n’est ni légale selon notre constitution, ni socialement acceptable, ni moralement recommandée.

Issaka SOURWEMA

Naaba Boalga , Chef traditionnel du village de Dawelgué

Canton et commune de Saponé

Courriel : issounaba@gmail.com

 

 

 

 

Laisser un commentaire