L’ambassadeur Xavier Lapeyre de Cabanes lors de son allocution

A l’occasion du 14 juillet, l’ambassadeur de France, Xavier Lapeyre de Cabanes, a convié les ressortissants français établis au Burkina Faso, ainsi que de nombreux invités, à participer à la célébration de la fête nationale française à la Résidence de France. Il a à cette occasion livré un discours pour évoquer cette année riche en évènements.

Les autorités burkinabè et des invités au premier plan écoutant attentivement le discours de l’ambassadeur de France

Monsieur le ministre d’État,
Monsieur le ministre des affaires étrangères et de la coopération,
Mesdames et messieurs les ministres,
Monsieur le sénateur,
Mes chers compatriotes,

C’est naturellement avec émotion que je prends la parole devant vous ce soir pour ce qui est donc mon deuxième 14 juillet en terre burkinabè. Enfin, le quatrième, pour être plus exact, puisque j’ai déjà commémoré la fête nationale avec mes compatriotes et les autorités locales, mercredi dernier, à Bobo-

Dioulasso. En effet, comme l’an dernier, j’ai souhaité passer un moment avec nos compatriotes de la région des hauts bassins et de celle des cascades, et avec les autorités de ces régions, pour bien montrer que les représentants de l’État français savent qu’il existe un pays au-delà de Ouagadougou.
Ce deuxième 14 juillet à Ouagadougou est l’occasion de dresser un bilan de ma deuxième année dans votre pays, année qui est passée fort vite et qui a été marquée par deux événements d’intensité et de… qualité différente.
Le premier fut, bien entendu, la visite officielle du président de la République, M. Emmanuel Macron, du 27 au 29 novembre dernier. C’est toujours un moment fort, dans la vie d’un diplomate, que d’avoir l’honneur de préparer la visite de son chef d’Etat, et plus encore lorsqu’il vient dormir chez vous – ce qui est le cas, puisque notre président a logé à la résidence, à quelques pas d’ici. Certains d’entre vous ont pu sans doute l’entendre à l’université ou ici même – enfin, à l’opposé exact de l’endroit où nous avons mis le pupitre ce soir, pour que vous ne croyiez pas que je me prends pour le Président…
Ce fut aussi et surtout un moment fort dans la relation entre nos deux pays. Seul chef d’Etat ou de gouvernement de l’Union européenne à s’être rendu au Burkina en 2017, le président Macron a été aussi le premier président français à se rendre dans votre pays pour une visite bilatérale depuis le président Mitterrand.
La visite du 17 novembre 1986 est restée célèbre, notamment pour l’échange des discours entre Thomas Sankara et François Mitterrand, où la polémique et les échanges d’amabilités ne manquaient pas. De ce point de vue, nos deux actuels présidents ont montré, au contraire, une grande concordance de points de vue et une sympathie réciproque qui n’avait rien de protocolaire – ce dont je me réjouis, car cela facilite naturellement le travail quotidien de l’ambassade de France. La visite du président Macron devrait rester dans les mémoires, donc, parce qu’elle signale le rapprochement de nos présidents et la proximité de nos peuples. En effet, par ce déplacement, le président Macron a mis fin à 31 ans sans visite bilatérale de ce niveau, une durée très longue pour deux partenaires aussi proches que le sont nos deux pays. Certes, le président Chirac s’était rendu par deux fois au Faso, en 1996 et 2004, mais c’était à chaque fois à l’occasion d’un sommet, Afrique-France dans un cas, de la Francophonie dans l’autre. Cette fois, c’est bien le Faso que le président français a choisi de visiter à la fin de l’année dernière et c’est pour rencontrer le président Kaboré et de jeunes Burkinabè qu’il a choisi Ouagadougou.
Cette visite, disais-je, a montré la proximité des présidents, donc, de nos politiques, qu’il s’agisse de l’éducation, comme priorité, du développement de notre coopération, de l’ouverture des archives relatives à la mort de Thomas Sankara ou de la lutte commune contre l’insécurité au Sahel. Elle a aussi marqué le rapprochement, souhaité, de nos deux populations : le débat à l’université Ouaga 1 professeur Joseph Ki-Zerbo, vif parfois, a un côté novateur pour la relation de la France avec votre pays et avec d’autres partenaires africains, justement parce qu’il s’agissait d’un débat et parce que notre président a insisté sur les mesures visant au rapprochement des peuples. Je cite, en vrac et parmi beaucoup d’autres, l’initiative d’organiser la rétrocession, temporaire ou définitive, d’œuvres d’art africain, l’objectif étant que ces œuvres circulent mieux entre nos deux continents, l’organisation d’une saison des cultures africaines en 2020 en France, afin de mieux faire connaître la diversité et la richesse de la création artistique contemporaine de votre continent, ou l’ouverture plus large de nos universités aux étudiants africains. Je constate d’ailleurs, sur ce dernier point, que le nombre de jeunes Burkinabè ayant manifesté, auprès de Campus France, leur désir d’étudier en France est déjà plus grand, au milieu de l’année, que pour l’ensemble de l’année passée. Peut-être est-ce un « effet Macron » ?
Autre exemple du rapprochement des peuples que le président a fixé comme but de notre action, nous avons présenté, lundi dernier, l’un de ses engagements, celui d’ouvrir une maison de la jeunesse et de l’innovation, destinée aux étudiants ou anciens étudiants burkinabè, aux volontaires, aux chercheurs, aux « startuppeurs », aux incubateurs, aux entreprises… qui se cherchent mutuellement sans, parfois, savoir où se trouver et qui disposeront d’un lieu pour cela en plein centre de Ouagadougou. Nous devions inaugurer cette maison pour le 14 juillet – c’est en tout cas l’instruction qui m’avait été donnée par le président de la République. Malheureusement, un événement imprévu nous a légèrement perturbés et nous a imposé de décaler cette ouverture complète à l’achèvement des travaux nécessaires, au mois de novembre. Je veux parler de l’attaque du 2 mars.
C’est en effet le second événement marquant de l’année qui est passée depuis le dernier 14 juillet.
L’attentat du 2 mars, car il faut bien en parler au singulier même s’il s’est divisé en deux attaques simultanées, l’une contre l’état-major général des armées du Burkina Faso, l’autre contre notre ambassade, nous a contraints à revoir un peu notre calendrier d’activités. Mais, comme l’a dit le ministre français des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, lorsqu’il est venu à Ouagadougou deux semaines plus tard, nous maintiendrons le cap, nous poursuivrons notre action, conformément à ce qui a été décidé ici par le président voici huit mois. Nous ne changerons rien et ne quitterons pas le Burkina, n’abandonnerons pas en rase campagne au prétexte de menaces ou de coups qui peuvent nous faire mal, mais ne nous abattront pas.
Nous continuerons nos actions de coopération, notre financement des projets du PNDES et bientôt du PUS, notamment dans le cadre de l’Alliance Sahel, et notre soutien aux forces de sécurité du Burkina Faso – je pense à la formation et l’équipement du bataillon burkinabè de la force conjointe du G5 Sahel ou à la coopération en matière de renseignement.
C’est avec la même détermination que les Burkinabè ont réagi à cette attaque meurtrière, puisque deux mois après la mort de huit gendarmes et militaires, une première opération antiterroriste était menée avec succès, le 22 mai. Ce n’est sûrement pas la dernière, mais il est important, lorsqu’on lutte contre des groupes qui utilisent le terrorisme, à savoir des attaques contre des cibles indiscriminées, arrivant de façon inopinée et secrètement organisées par de petits groupes, que ces groupes soient eux aussi pris par surprise et subissent des défaites – défaites qui, à la différence de leurs succès qui nous font mal sans nous anéantir, mettent parfois fin à leur capacité de nuire. La lutte contre ces groupes est loin d’être achevée, car si une cellule est démantelée, une autre peut se reconstituer, d’autant que la situation politique chez votre voisin n’est pas stabilisée, et c’est pourquoi le renforcement des capacités de renseignement, de réaction et d’intervention est une des priorités du président Kaboré et de la coopération sécuritaire que nous avons développée, à sa demande. La ministre française des armées, Mme Parly, sera d’ailleurs à Ouagadougou la semaine prochaine pour en évoquer les prochaines étapes.
Les terroristes ne vont sans doute pas cesser de vouloir attaquer, nous attaquer, nous Burkinabè et Français : ils ont montré, lors de l’attentat du 2 mars, que nos destins étaient liés et que nous étions, pour eux, les deux faces d’un même ennemi, d’un même empêcheur de déstabiliser la région et l’État. Parce que le Burkina Faso d’aujourd’hui a fait le choix de lutter contre ces groupes qui ensanglantent le Sahel plutôt que de trouver des accommodements avec eux, accommodements qui ne pouvaient être que temporaires et ont retardé la préparation opérationnelle de la riposte, parce que la France – et d’autres partenaires aussi, certes, mais la France plus que tous les autres et seul de tous à payer le prix du sang pour cet engagement – a décidé d’aider les pays du G5, et le Faso en particulier, à accélérer leur équipement, leur préparation pour disposer de forces efficaces, pour ces raisons, nos deux pays ont été visés, agressés ensemble.
Notre résolution à poursuivre notre action au profit du Burkina, je la vois aujourd’hui symbolisée par la présence du sénateur Richard Yung, sénateur des Français établis hors de France. Monsieur le sénateur, dans les jours qui ont suivi l’attaque dont notre ambassade a fait l’objet, vous m’avez proposé de venir vous joindre à cette célébration de la fête nationale. Je vous remercie d’avoir tenu parole, pour montrer à nos compatriotes comme à vos amis burkinabè – car vous connaissez ce pays depuis bien plus longtemps que moi et y avez des amis nombreux -, la solidarité de la France, par la présence d’un des représentants du peuple. Nous vous sommes reconnaissants de ce geste.

Vous l’aurez compris, cette année chargée de façon inhabituelle, ne m’a pas vu parcourir le Burkina Faso autant que je l’aurais voulu – tout juste suis-je allé à Dori, à Fada et à Bobo, ce qui est bien moins que l’an dernier et moins encore que je n’aurais souhaité. Si des événements extérieurs m’en laissent la possibilité, je serai sûrement moins souvent à Ouaga pendant les 365 prochains jours.

L’année 2018 sera marquée par les commémorations du 100ème anniversaire de l’armistice du 11 novembre, qui mit fin à la guerre sur les champs de bataille de l’ouest de l’Europe – mais la guerre, elle, continua, en Grèce, en Turquie, en Russie tout juste devenue soviétique et même au Proche-Orient.
Pour autant, cette date est symbolique d’un moment où les contemporains ont soufflé en disant « plus jamais ça ! », espérant que cette « grande guerre », comme on l’appelait alors, serait la « der des der ».
Nous savons qu’il n’en a rien été et même si notre monde reste dangereux, même s’il ne connaît pas de conflit aussi intense que celui qui vit disparaître en un peu plus de quatre ans près de 18 millions de personnes, civils et militaires, dont 1,4 million de Français et 30.000 des quelque 180.000 soldats africains, ceux qu’on appela les « tirailleurs sénégalais », souvent contraints à rejoindre une France qu’ils ne connaissaient pas et se rebellant parfois contre cette conscription.
Le président français a donc souhaité inviter une centaine de chefs d’Etat et de gouvernement, pour un forum de la paix, qui vise certes à se souvenir, mais surtout à réagir, pour construire un avenir qui ne ressemble pas à ce passé des années 1920 et 1930, lorsque les Etats ont laissé la gouvernance mondiale s’affaiblir, les frontières se fermer, l’égoïsme prévaloir, au bénéfice des régimes guerriers. Il est aujourd’hui des puissances, qui ne veulent pas de l’action collective, des institutions, de la régulation, du multilatéralisme et préfèrent l’action unilatérale, égoïste et parfois brutale, s’asseyant sur les décisions de la Cour internationale de justice, empêchant les instances multilatérales de fonctionner, occupant leurs voisins ; mais plus nombreux sont ceux qui pensent au contraire qu’il s’agit d’outils, certes imparfaits mais indispensables pour organiser notre monde, et répondre aux défis transfrontaliers qui nous touchent tous : changement climatique, migrations, désordres de l’Internet, terrorisme, etc. Le Forum de Paris sur la paix vise à rassembler ces forces : Etats, organisations internationales, collectivités locales et réseaux de villes, élus, ONG, fondations, entreprises, syndicats, groupes religieux, experts, journalistes, bref tous les acteurs de la gouvernance globale.
Ce Forum annuel ne sera pas un sommet ou une conférence académique : ce sera une plateforme, un lieu de discussions et de débats autour de solutions de gouvernance, d’initiatives pour mieux organiser notre planète, qu’elles viennent des États ou de la société civile, afin de démontrer qu’il est encore possible de progresser malgré les nuages qui s’amoncellent.
Le président Kaboré a naturellement été invité, mais, au-delà du gouvernement burkinabè, nous appelons tous ceux qui partagent ces objectifs, à venir contribuer au Forum de Paris sur la paix.

Avant de terminer mon propos, je souhaiterais associer à cette fête nationale une personne qui vient de nous quitter, que certains d’entre vous connaissaient bien pour avoir travaillé avec elle tous les jours, ce qui était mon cas, qui était sûrement une inconnue pour beaucoup d’autres, mais qui a été, pendant ces deux années, ma secrétaire, l’inestimable, vive, souriante et discrète Valérie Kerboeuf, qui aimait l’Afrique, le Sahel et le Burkina. Je ne sais si elle était amatrice de football, mais je suis sûr qu’elle se serait volontiers jointe à nous, demain, au Silmandé, à l’invitation d’Oumar Sall, son directeur général, pour vibrer en regardant l’équipe de France. Venez-y nombreux !
A tous mes compatriotes, je souhaite une très belle fête nationale, à tous je souhaite un très beau 14 juillet, une très belle finale demain et que le meilleur gagne demain – si le meilleur est l’équipe de France – et que vive l’amitié entre la France et le Burkina Faso.
Je vous remercie.

Source : Ambassade de France

 

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