Mikaêlle Jean , sécrétaire général sortantez ce l'OIF

La rumeur courrait depuis plusieurs semaines. La déclaration de soutien du Premier ministre canadien Justin Trudeau appelant à un renouvellement du mandat de Michaëlle Jean lors du Sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernements qui se tiendra en Arménie en octobre prochain, le lundi 16 avril, est venue mettre fin au suspense.  Début mars, c’est le Premier ministre du Québec, Philippe Couillard qui allait dans le même sens.

Toutefois, les deux hauts dirigeants, imprégnés de la culture « d’imputabilité » à laquelle tiennent tant les Québécois et les Canadiens, ont rappelé, au passage, la nécessité d’une modernisation des mécanismes de gestion et d’audit de l’Organisation. Ce à quoi Michaëlle Jean s’est déjà attelée depuis fort longtemps.

Lors de la 103e session du Conseil Permanent de la Francophonie (l’instance regroupant les représentants personnels des Chefs d’États et de Gouvernements) qui s’est tenue le 6 avril 2018, à Paris, le Président du Comité d’audit de l’Organisation internationale de la Francophonie et Président de l‘Union Francophone de l’Audit Interne, a été on ne peut plus clair. Dans son discours dont nous avons obtenu copie, il conclue par ces mots « Enfin, je voudrais conclure en adressant mes vifs remerciements et encouragements à Madame la Secrétaire Générale et à Monsieur l’Administrateur pour leur soutien indéfectible à l’audit interne à l’OIF. Leurs soucis de transparence et de bonne gouvernance sont salués par l’audit interne et se concrétisent à travers : la mise en place du dispositif du contrôle interne et de nombreuses directives réduisant ainsi les risques identifiés ; l’incorporation dans la gouvernance de l’OIF du dispositif de maitrise des risques ; la mise en place en cours d’une cartographie des risques en phase avec les valeurs, la culture et les missions de l’OIF. »

D’où vient donc que, depuis trois ans, à travers une campagne médiatique inédite, tant par sa durée que par sa violence, la Secrétaire générale de la Francophonie ait été systématiquement attaquée par une partie de la presse de son pays ? L’ancienne Gouverneure générale du Canada, élue à l’unanimité à Dakar en novembre 2014, serait-il elle subitement devenue le « parasite » qu’évoque cet éditorialiste dans un grand journal de Montréal ?

  Un solide bilan sur l’éducation, la formation et l’économie 

Notre site, qui suit le parcours de l’ancienne journaliste de Radio-Canada depuis des années, a mené l’enquête pendant plusieurs semaines dans cette « maison » de la Francophonie, située dans le 7éme arrondissement de Paris, inaugurée jadis par l’ancien Président Abdou Diouf et Nicolas Sarkozy. Disons-le tout net. Il n’est guère aisé d’investiguer au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie.

La communication de ses réussites n’a jamais été son fort et les représentants des Etats et gouvernements, peu loquaces, ne s’expriment que sous le couvert de l’anonymat. Quant aux fonctionnaires travaillant au sein de l’OIF, ils sont, plus que jamais soumis au devoir de réserve qui s’attache à leur fonction. Comme cela est de rigueur dans toutes les Organisations internationales. Surtout depuis la suspension en décembre 2017- en vertu de l’application de l’article 19 du Statut du personnel de l’OIF- de l’un d’eux à la suite d’une prise de position publique dans un grand journal parisien.

De fait, le personnel de l’Organisation, ne parle pas. Ou peu. Y compris des succès engrangés par leur maison sur le terrain : la montée en puissance de son Institut Francophone pour l’Éducation et de la Formation (IFEF) basé à Dakar ; l’éducation des milliers d’enfants assurée dans le cadre de l’Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres (IFADEM) et Écoles et langues nationales en Afrique -ELAN Afrique ; son action économique consistant à lutter contre l’extrême pauvreté dans les zones rurales des pays du Sud dont l’intégration dans le Commerce international est aussi, assurée par l’OIF.

Des actions de médiations menées par la Francophonie depuis quelques années et des inflexions qu’elle a apportées dans sa stratégie politique -elle ne déploie plus des missions d’observations électorales.

Une campagne « malveillante » qui contraste d’avec les actes posés par Michaëlle Jean

De cette campagne de presse, les « sherpas » des Chefs d’Etats, surtout ceux venant d’Afrique, d’Asie ou des pays d’Europe centrale et orientale ne parlent guère lors de leurs rencontres. Partagent-t-il l’avis émis dans les articles ? Peu sûr. L’un d’eux, qui tient à ne pas être cité nommément, a pensé déceler derrière les attaques contre la Secrétaire générale de la Francophonie, tant des règlements de comptes personnels qu’un prolongement, sur la scène internationale, d’un problème de politique intérieure d’un État-membre. « Or ces questions-là ne devraient pas être transférées ici. De plus, il y a une tradition diplomatique aussi ancienne que les relations internationales : dans n’importe quel pays, lorsqu’on a un compatriote à la tête d’une Organisation internationale, on le soutient pour garantir le rayonnement du pays ».

En vérité, cette campagne médiatique, où se mêle parfois misogynie, sous-entendus culturels et vieilles rancœurs, est de fait, concentrée sur la seule personne de la Secrétaire générale et sur son « passé ». L’on rappelle même ses dépenses en tant que Gouverneure générale, alors qu’elle a quitté cette fonction depuis 2010… Sur certains moteurs de recherches -l’on a pu compter jusque 35 attaques sur l’un d’eux- nombre de tribunes parues la concernant ont un caractère personnel.

Un confrère canadien rappelle que, « depuis plus de trente ans, c’est-à-dire au moins depuis le début de sa carrière comme journaliste, Michäelle Jean a toujours été attaquée. Et souvent par les mêmes. Ils ont continué lorsqu’elle était Gouverneure générale. Il n’y a pas de raison qu’ils ne continuent pas aujourd’hui. L’OIF ne les intéresse pas. C’est elle qui les intéresse. ».

Vers une réélection assurée ?

Reste la question essentielle, qui est, de fait au centre de toutes ces attaques : la réélection de Michaëlle Jean en octobre prochain. L’intéressée a déjà fait savoir qu’elle a l’ambition de poursuivre la tâche que les Chefs d’États lui ont confiée à Dakar. S’inscrivant dans la continuité de l’action de ses deux illustres prédécesseurs -Boutros Boutros Ghali et Abdou Diouf- elle a œuvré à positionner la Francophonie comme un acteur majeur dans une diplomatie internationale marquée par des menaces asymétriques et la montée des radicalismes.

Pour l’heure, le personnel de l’Organisation, faisant preuve d’un grand professionnalisme, reste concentré sur ses tâches quotidiennes malgré cette ambiance délétère. Vendredi dernier, c’est le Conseil de Direction élargi de l’OIF (l’instance dirigeante de l’Organisation), qui, réaffirmant soutien « plein et entier à la Secrétaire générale » a rappelé le risque pour l’Organisation, de se laisser déstabiliser par des manœuvres de nature à porter un grave préjudice à la Francophonie sur la scène internationale.

Jean Louis Djiba

 

 

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