Le Président de l'Assemblée nationale, Bala Alassane Sakandé devant l'assemblée de la 138ème Session de l'UIP

La 138ème session de l’Union interparlementaire (UIP) se tient à Genève du 24 au 28 mars 2018 sous le thème : « Renforcer le régime mondial applicable aux migrants et aux réfugiés : le besoin de solutions politiques fondées sur des données probantes ». Pour l’occasion le Président de l’Assemblée nationale du Burkina M. Bala Alassane Sakandé accompagné d’une forte délégation a pris part à cette session et délivré une importante allocution sur le thème dont nous vous publions l’intégralité ci-dessous.

Monsieur le Président,

Représentants de nos nations respectives, ce n’est certainement pas le fruit du hasard que nous nous retrouvions aujourd’hui autour de ce thème : «Renforcer le régime mondial applicable aux migrants et aux réfugiés : le besoin de solutions politiques fondées sur des données probantes».

Mais avant de vous livrer mon sentiment sur ce sujet du débat général de la présente session, permettez-moi d’adresser mes vives félicitations au secrétariat général de l’UIP qui abat chaque année un important travail pour nous permettre de nous réunir régulièrement.
Je saisis l’opportunité pour remercier la communauté des parlementaires pour leur témoignage de solidarité au peuple burkinabè suite aux attaques barbares et ignobles perpétrées à Ouagadougou le 2 mars dernier et leur exprime toute notre reconnaissance. Je puis vous assurer que notre peuple, loin d’être ébranlé, est convaincu qu’il sortira victorieux de cette guerre asymétrique.
J’ai une pensée pieuse pour le peuple français qui vient d’être endeuillé par l’attaque de Trèbes.
Distinguées chefs de délégations, Mesdames et messieurs;
Le Burkina Faso se réjouit du choix du thème du présent débat, non seulement pour sa pertinence et son actualité, mais surtout parce qu’il garde une filiation logique avec le thème débattu ici-même en 2015 lors de la 133ème Assemblée.
L’intérêt de ce débat est à bien des égards, révélateur des insuffisances qui caractérisent aujourd’hui la gestion de la problématique migratoire de par le monde, mais aussi et surtout l’urgence de poser les problèmes dans leurs dimensions réelles, réalistes et avisées.
En effet, comment peut-on renforcer le régime mondial applicable aux migrants et aux réfugiés si nous n’avons pas une compréhension harmonisée et partagée des problématiques migratoires?
Comment peut-on y parvenir si nos réflexions et jugements sont presque toujours biaisés par des clichés et stéréotypes inspirés par des gènes de phobie, de peur et de repli identitaire?

Aujourd’hui, il faut bien le reconnaitre, chaque partie prenante de cette problématique migratoire fait sa propre lecture de la situation en fonction de ses intérêts propres du moment. L’imaginaire de nous autres africains sur les migrations est souvent dominé par cette triade : esclavage-colonisation-migration. Il faut vraiment être frappé d’amnésie historique pour ne pas reconnaitre que l’une des premières terres d’immigration a été l’Afrique comme l’a si bien rappelé notre doyen le Président Moustapha NIASSE lors de la conférence des Présidents de parlements de l’APF région Afrique tenue à Lomé. Même lorsque la réalité était la même, les mots pour l’exprimer étaient différents : la migration masquée des européens vers les terres promises d’Afrique a été appelée colonisation. Elle s’est imposée comme légale, légitime, humanitaire, civilisatrice. Quatre causes l’ont justifiée pourtant: les rivalités entre puissances européennes, l’accroissement de la population européenne, les intérêts économiques dominés par la recherche obstinée de matières premières et enfin l’expansion religieuse et culturelle. Dans un grand reportage de la télévision publique burkinabè intitulée «Algérie, la misère après la guerre», Yékou Dembélé, ancien combattant burkinabè de l’armée française explique comment ils ont donné leur jeunesse à la France mais n’ont pas toujours eu la reconnaissance nécessaire. C’est de force que les premiers africains sont arrivés en Europe ; c’est de force qu’ils ont participé aux différentes guerres pour libérer les européens ; c’est de force qu’ils ont contribué à bâtir l’Europe. Loin de moi l’idée d’exiger le remboursement d’une hypothétique dette coloniale quelconque ou de justifier la migration clandestine ; je voudrais juste inviter certains à savoir raison garder quant au traitement qu’ils réservent aux émigrés.
Nous avons besoin d’une lecture globale, objective, sincère et prospective si nous voulons donner un visage plus humain aux migrants et aux réfugiés. La problématique des migrations doit aussi conduire nous autres Etats africains à poser clairement l’épineuse question de nos frontières et celles de souverainetés nationales, que dis-je, de nos égoïsmes nationaux. Comment comprendre qu’entre nos Etats la circulation des biens et des personnes continuent d’être un vœu pieu livrant nos concitoyens respectifs à la merci de policiers, gendarmes et douaniers corrompus ?

Dans l’étude des causes des migrations clandestines des jeunes du Sud vers l’Occident, les analystes accordent peu ou pas d’intérêt aux images et stéréotypes que véhiculent les médias anciens comme nouveaux. Quand la visée marketing qu’ils servent n’agite pas un eldorado occidental irrésistible, leurs discours et leurs images entrainent chez les publics africains une négation de soi, un rejet de l’Afrique. L’afro-pessimisme érigé en culture partagée est une cause de la migration clandestine qui s’ajoute aux autres qui ont été suffisamment documentées.
Au demeurant, ces réponses, traitant le plus souvent les symptômes que les causes, ont généralement montré leurs limites et il faut avoir le courage de franchir le pas pour emprunter une approche holistique bâtie sur la coopération et la solidarité internationales.

C’est dans ce sens que, le Burkina Faso salue l’adoption de la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants dont l’une des déclinaisons forte devrait conduire au pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Ce pacte, qui n’est pas une panacée, doit être bâti non pas sur nos peurs et nos craintes, mais sur des données réelles du monde contemporain et partagées.
Distinguées chefs de délégations, Mesdames et messieurs;
C’est à cette réflexion profonde que mon pays, le Burkina Faso, vous convie au cours de nos présents travaux afin que la planète terre accepte d’accueillir ses filles et ses fils partout ailleurs dans le monde.
Je vous remercie!

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