La situation sécuritaire du Burkina devient de plus en plus inquiétante. Le Balai Citoyen, une organisation active de la société civile burkinabè qui est très préoccupé, interpelle les autorités à prendre leur responsabilité à travers cette déclaration.

Mesdames et messieurs les journalistes,

Par ma voix, la Coordination nationale du Balai Citoyen vous souhaite la bienvenue au Centre national de presse/Norbert Zongo. Une fois encore, nous vous disons merci pour votre fidélité à nos rendez-vous. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais vous inviter à observer une minute de silence pour nos soldats et compatriotes morts à Intagom, dans le Nord du Pays, lors de l’attaque terroriste du 12 octobre dernier.

Mesdames et messieurs les hommes et femmes de médias,

L’inquiétude a gagné les populations du Burkina Faso. En effet, les attaques armées se multiplient sur le territoire national, semant la mort et la désolation parmi nos soldats et la population civile. Entre mars 2015 et octobre 2016, on a enregistré au moins cinq attaques visant directement nos forces de défense et de sécurité dans le Nord du pays. Si ce ne sont pas des postes de police et des brigades de gendarmerie ou leurs patrouilles, ce sont des détachements militaires et paramilitaires qui sont la cible des ennemis agissant sous le couvert de groupes terroristes. A ces attaques, il faut ajouter celles des éléments du tristement célèbre Régiment de sécurité présidentielle, garde prétorienne de Blaise Compaoré.

Aujourd’hui encore, ces éléments manipulés n’ont pas renoncé à attaquer leur patrie pour le compte des intérêts égoïstes de leurs commanditaires et patrons. L’incident au niveau du poste de contrôle de la gendarmerie du pont Nazinon dans lequel des soldats de l’ex-RSP sont impliqués témoigne si besoin en était que la situation est loin d’être sous contrôle. Au bas mot, le Burkina Faso a enregistré près d’une cinquantaine de morts entre mars 2015 et octobre 2016 dans des attaques armées des terroristes et autres forces du mal. Et c’est là où réside l’inquiétude des Burkinabè. Non pas qu’elles ont peur de ces bandits lâches, sans foi ni loi, qui sèment la mort et la désolation sur la terre libre et digne du Burkina, mais parce qu’elles constatent que notre gouvernement ne rassure pas. Loin s’en faut. Au contraire, il inquiète.

Les autorités ne rassurent pas dans le choix des hommes pour conduire et mettre en œuvre la politique sécuritaire, une politique sécuritaire dont l’existence elle-même est sujette à questionnement. Comment comprendre que dans cette situation préoccupante, il n’y ait pas un ministre de la Défense. Pour plus d’efficacité, ne faudrait-il pas confier la défense à un homme ou une femme qui aurait à rendre compte au chef du gouvernement et au Président du Faso ? Comment aussi admettre qu’on maintienne toujours à la tête de notre armée et du système sécuritaire de notre pays des officiers qui ont montré leur incapacité notoire à nous prémunir contre les ennemis de la République ? L’attaque de Intagom qui a duré plus de quatre heures sans une réaction rapide et appropriée montre à souhait le dysfonctionnement dans la chaîne de commandement.

On se demande encore pourquoi installer une petite unité isolée dans cette zone exposée du sahel et comment elle peut se battre pendant des heures sans aucun renfort efficace. Que faisait la hiérarchie des casernes plus proches de la zone ? Quels ordres a-t-elle reçus du ministère de la Défense et de l’état-major général ? Sans des réponses claires sur ces questions, on est fondé à croire que toute la chaîne de décisions est restée aux abonnés absents. Cette situation est incompréhensible et inacceptable surtout que ce n’est ni la première ni la deuxième fois que nos forces sont attaquées dans cette zone.

Mesdames et messieurs les journalistes,

Il est grand temps de faire le toilettage de notre système sécuritaire et de mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. Ceux qui gèrent actuellement paraissent dépassés par la situation, pour ne pas dire plus. Ils n’inspirent plus confiance aux Burkinabè, témoins de leur passivité, pour ne pas dire leur complicité lors du coup d’Etat sanglant de l’ex-RSP. Avec un tel passif, il est évident que ces hommes ne disposent plus du crédit moral nécessaire et indispensable pour commander notre vaillante armée.

Pour en rajouter à l’inquiétude des Burkinabè, l’on assiste à la libération provisoire des officiers putschistes de l’ex-RSP. A n’en pas douter, ces libérations de militaires putschistes renforcent et galvanisent le camp des forces hostiles qui tentent coute que coute de déstabiliser notre pays. Pire, malgré leur implication évidente dans l’atteinte à la sureté nationale, le Ministère de la Défense et l’état-major général des armées n’y ont toujours rien vu de mal pouvant entrainer des sanctions disciplinaires. Alors que l’on s’était empressé de radier les soldats mutins des rangs en 2011, notre armée conserve toujours dans ses rangs, des militaires putschistes. Le chef de l’Etat, ministre de la Défense, prend t-il vraiment la juste mesure de la gravité de la situation ?

Il faut sortir des arrangements politiques qui mettent en danger la vie des millions de Burkinabè. La sécurité de l’Etat s’accommode mal avec les calculs politiciens.

Mesdames et messieurs de la presse

Des informations publiées par le journal L’Observateur paalga, dans sa parution du vendredi 14 octobre, laissent entendre que le Président du Faso pourrait faire appel à des militaires étrangers, notamment des Tchadiens pour assurer sa sécurité. Si cette information, non encore démentie, s’avère exacte, ce serait un acte extrêmement grave et inacceptable. Cela ne s’est jamais vu dans notre pays, sous aucun régime, même le pire que nous avons connu qui est celui de Blaise Compaoré. Pour notre part, il est inacceptable et attentatoire au moral de nos forces de défense et de sécurité que de confier la sécurité du chef suprême de notre armée à des éléments étrangers. Notre pays dispose de suffisamment d’hommes et de femmes bien formés et dignes capables d’assurer avec patriotisme la sécurité des institutions du Faso pour peu qu’on leur en donne les moyens.

C’est le lieu aussi pour nous de nous inquiéter du silence qui entoure les résultats des travaux de la Commission sur la réforme de l’armée. Mise en place en décembre 2015 pour un mandat de six mois, elle devrait avoir fini ses travaux, mais silence radio. Déjà, sa composition avait exclu les forces vives de la Nation. Ce qui n’est pas normal. Aujourd’hui, ce sont les résultats qui sont cachés. Que cache cette opacité ? La sécurité étant l’affaire de tous, les Burkinabè veulent savoir ce qu’est devenue cette commission et ce qui sera fait de ses résultats.

Mesdames et messieurs les journalistes,

Le savant africain Cheikh Anta Diop disait fort à propos dans son ouvrage Les fondements d’un Etat fédéral d’Afrique noire que la sécurité précède le développement. Nous estimons que la relance économique tant attendue ne viendra jamais si nos gouvernants négligent la question sécuritaire ou veulent la gérer avec népotisme et clanisme. La situation est suffisamment grave et requiert de la part des autorités, en particulier le président du Faso, des mesures fortes qui rassurent le peuple. Je vous remercie !

Le Balai Citoyen

 

Laisser un commentaire