Pour paraphraser une citation d’Antoine de Saint-Exupéry : « (…) Être homme, c’est se sentir interpeller et partager les défis de l’histoire, c’est inculquer les vertus cardinales qui ont façonné ce monde (…)». Telle est la philosophie de l’Assemblée Nationale en ouvrant une page de notre histoire pour célébrer le centenaire de la résistance héroïque des peuples de la Boucle de la Volta Noire.

L’Assemblée Nationale, au-delà du vote de la loi, du consentement de l’impôt, du contrôle de l’action gouvernementale, se surpasse pour nous rappeler le sens du patriotisme légendaire de nos aïeuls il y’a cent ans.

Tel un prêcheur infatigable, qui n’attend aucune dividende, rompu à la tâche et aux missions à lui assignées, elle entend ressourcer la jeunesse actuelle de son histoire, les invitant du même coup à l’école des vertus citoyennes et au sentiment de la responsabilité. Un appel à la valorisation du principe d’intégrité qui caractérise le Burkinabè depuis la nuit des temps, et reconnu en homme d’abnégation patriotique, animé d’une volonté inébranlable de bâtisseurs d’une société aux vertus individuelles et collectives. C’est la symbolique du peuple Burkinabè Là se trouve tout l’engagement et la ferveur de cette commémoration.

Comment taire les souvenirs mélancoliques d’une révolte juste ? Pourquoi l’oubli d’une cause noble ? Pourquoi garder le silence sur l’une des premières des luttes de notre peuple ?

Comme hier, il y a cent ans, autres réalités aux antipodes de nos mœurs authentiques. Les tentacules de l’occident se sont abattus sur nos aïeux qui berçaient dans une quiétude totale.

Devant la volonté de se débarrasser du joug colonial, les peuples du Bani-Volta rompirent le silence et se dressèrent comme un seul homme contre le système colonialiste.

Avec leurs moyens précaires, ils n’avaient que leur courage, leur abnégation, la détermination, l’acceptation du sacrifice suprême face à une honteuse artillerie sans humanité.

Des pays  SAN à BWA de MARKA à BOBO, de NUNUMA aux GURUNSI jusqu’aux TOUAREG, ce fut en temps et en espace de gros soupirs douloureux dont notre peuple garde encore hélas les souvenirs les plus brûlants.

Selon les rares récits rapportés par  certains historiens comme KAMBOU-FERRAND, cette insurrection qui a duré pendant près d’une année de Novembre 1915 au dernier semestre de 1916, le colon n’a pas hésité à réprimer cruellement en rasant  des milliers de villages, et tuant plus de 30.000 personnes. Ainsi débuta sur la terre de nos aïeux,  l’une des dernières et des plus meurtrières guerres coloniales de l’Afrique de l’Ouest.

Malgré le déséquilibre énorme face à la puissance de l’artillerie coloniale, la victoire de l’administration coloniale ne fut possible que grâce à la mobilisation des « effectifs les plus considérables et l’armement le plus puissant » qui aient été employés jusqu’à ce jour en AOF et ce après une année entière de résistance.  Un rapport officiel estima que la détermination de ce mouvement insurrectionnel faillit mettre en péril la domination coloniale même sur toute l’étendue de la boucle du Niger. Mais battus sans être vaincus, gagnant la bataille sans la guerre, nos aïeux nous ont légués les germes de l’insoumission, le refus de l’arbitraire, préférant la mort que l’indignité .Fiers combattants de nos terres ancestrales, reposez en paix !

Autrefois comme hier, en Janvier 1966, autres réalités autre chalenge : contre les tentatives de truanderies occasionnées  par les dirigeants de l’époque se sont heurtées à la ferme décision de notre peuple contre l’oppression une fois de plus. Les héritiers des guerriers de 1915 ont battu le pavé avec le dynamisme « du non » de l’illustre Sékou Touré.

Une fois comme hier, comme si l’histoire se répétait, la pilule fut trop amère pour certains, dans leurs élans de patrimonialisation, notre peuple, comme celui de jadis, engrangea une autre victoire par l’insurrection des 30 et 31 Octobre 2014 et la honteuse vanité  des 16 et 17 septembre 2015. Comme hier, les hommes passent,  le temps et l’espace demeurent, l’histoire nous édifie.

Comment et pourquoi ne pas rendre hommage à tous ceux qui ont perdu la vie pour notre la notre aujourd’hui ? Pourquoi faut-il se complaire dans l’oubli, les luttes qui ont édifié notre société ? Les moules de l’histoire sont maniables à souhaits, à chacun d’y laisser son empreinte !

C’est pourquoi, en commémorant cette page méconnue de l’histoire de notre pays, mais qui a aussi donné naissance aux plus beaux actes d’héroïsme de notre peuple, l’Assemblée Nationale se veut le bouc émissaire des causes justes et nobles à travers ses pages bien inspirées de la bravoure des peuples Voltaïques. Elle interpelle à un ressourcement de la jeunesse contemporaine, celle d’aujourd’hui, qui au triste constat de l’historien Baba KAKE « manque de repères.» C’est aussi une invite à la renaissance d’une citoyenneté civique et responsable, une jeunesse réconciliée avec sa propre histoire.

Pour l’heure, c’est la bataille qui vaille, et il nous faut « la faire très forte et plus belle ». Plus qu’un devoir, c’est une obligation commune, c’est à ce prix que nous serons fiers d’être Burkinabè. C’est aussi et enfin à ce prix, que nous aurons restauré notre identité culturelle à travers le temps et l’espace.

Jeunesse des villes et campagnes, l’histoire des hommes intègres nous place en orbite en ces temps qui courent, une introspection de repère, de vertus, de sens et de responsabilité qui nous incombe. Il nous appartient d’imprimer notre marque, notre cachet personnel et historique car, de notre impulsion dépend de l’avenir de notre cher Faso entier. Nous n’avons pas le droit d’échouer car l’histoire est le témoin des temps, la lumière de la vérité, la vie de la mémoire.

Comme hier, le parlement se veut sans prétention aucune de donneur de leçon, faire une contribution substantielle à nos jeunes générations à qui, il faut rappeler que pour qu’ils vivent aujourd’hui en liberté, des générations précédentes se sont sacrifiées pour graver en notre esprit toutes ces valeurs de patriotisme, d’intégrité et de respect ; socle d’une nation empreinte d’humanité et de solidarité. Que donc dire de ce cours d’histoire  qui nous apprend qu’à cœur vaillant, rien n’est impossible et que rien de grand au monde ne s’accomplit sans passion et détermination.

Salifou OUEDRAOGO

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