Hervé Ouattara , Président du C.A.R


Figure de proue de la société civile pendant l’insurrection populaire d’octobre 2014 et député sous la Transition, Hervé Ouattara, président du mouvement Citoyen africain pour la renaissance (CAR) est l’un des derniers à avoir parlé à Blaise Compaoré juste avant son départ du pouvoir. Depuis la fin de la Transition, les sorties médiatiques de l’activiste se comptent du bout des doigts et certaines critiques le mettent à l’index, l’accusant même d’arnaque de certains opérateurs économiques de la place et d’extorsion de fonds. Dans l’interview qu’il nous a accordée, Hervé Ouattara accuse l’actuel président de l’Assemblée nationale de lui en vouloir et demande à ce qu’on lève son immunité parlementaire afin qu’il réponde à la justice dans le cadre de l’assassinat du président Thomas Sankara. 

On a l’impression que depuis la fin de la Transition le CAR est sur cale. Est-ce parce que vous manquez maintenant d’argent pour le faire rouler ?

Ce n’est pas une question de moyens. A la création du CAR, nous nous étions fixé des objectifs qui étaient, entre autres, lutter contre la modification de l’article 37 de la Constitution. Ce résultat étant atteint, le CAR s’est fixé d’autres objectifs allant dans le sens de la consolidation des acquis engrangés dans la lutte. Ensuite, nous avons travaillé à l’atteinte de l’objectif premier de la Transition, à savoir l’organisation d’élections libres et transparentes. Nous avons fait ce que nous pouvions et aujourd’hui notre pays est cité en exemple à travers le monde. Nous sommes fiers en tant que mouvement d’avoir participé à cela. Aujourd’hui, c’est tout à fait normal que nous fassions une pause, parce que dans la vie de toute organisation il faut par moments faire un arrêt, revoir à travers le rétroviseur tout ce qui s’est passé, et tirer les leçons afin d’aller sur de nouvelles bases. Ce n’est donc pas une question d’argent, mais l’évolution normale de notre mouvement.

Vous êtes l’un de ceux à qui la Transition a profité ; vous avez-même changé de niveau de vie, dit-on. Parvenez-vous à tenir le rythme depuis que vous n’êtes plus député ?

Je ne suis pas de ceux-là qui se prennent la tête. Je vous informe que j’habite toujours dans la même maison depuis cinq ans. Je suis d’ailleurs en colocation avec une autre personne. Je fréquente toujours les mêmes amis. Cela dit, c’est tout à fait normal qu’un homme, à un moment donné de son histoire, avance dans sa vie. Vous dites que j’ai profité de la Transition et que j’ai changé de vie. Ecoutez, j’étais député au Conseil national de la Transition et je gagnais 870 000 FCFA par  mois. J’ai eu des missions à l’étranger : je suis allé aux Etats Unis, à Taïwan, en Guinée Bissau comme chef de mission au niveau de l’UPA, je suis allé deux fois en Côte d’Ivoire…

Eh bien, si nous calculons les émoluments que j’avais au CNT en 13 mois, ajouté à ce que j’ai gagné dans les missions à l’étranger et à l’intérieur du pays, à moins que je ne sois maudit, j’ai de quoi changer de vie. Cela pour dire qu’il n’y a rien d’anormal dans l’évolution d’Hervé Ouattara. Seulement, il y a des gens qui font des efforts pour ne pas comprendre ce qui se passe autour de moi. Il y a également cette campagne tendant à faire croire à l’opinion nationale et même internationale que je suis un imposteur. Tout est mis en œuvre pour me salir, mon mouvement avec, parce qu’il y a des gens qui ont intérêt à ce que le CAR disparaisse.

L’ancien Premier ministre Yacouba Isaac Zida, qui a été votre plus grand soutien, croule depuis sous mille et une accusations de prévarication. Pensez-vous qu’on l’accable pour rien ?

Je ne sais pas ce que vous appelé plus grand soutien. L’ancien Premier ministre, Isaac Zida, et moi, tout comme d’autres leaders de la société civile, avons effectué un grand travail : faire tout pour que la Transition soit une réussite, une référence à l’international. Et aujourd’hui, il n’y a pas de regret à notre niveau. Maintenant, sachez que notre débat ne se situe pas au niveau des accusations portées sur le général Zida. Nous avons toujours dit que s’il y a des choses à reprocher à n’importe quel citoyen burkinabè, il n’y a pas de raison à ce qu’il ne soit pas poursuivi et ce dans une procédure normale. Il y a également des dossiers qu’il ne faut pas occulter dans cette affaire d’Isaac Zida. Il ne faut pas qu’en cherchant à entendre Zida, on oublie qu’il y a des dossiers pour lesquels nous avons connu l’insurrection. Nous avons aussi rappelé que si nous voulons aller à la réconciliation nationale, ne cherchons pas à résoudre les problèmes à moitié. Cela veut dire que les différents dossiers de crimes économiques et de sang pendants soient vidés et que l’on puisse avoir un peuple uni afin d’aller au développement.

Depuis qu’il n’est plus aux affaires et son exil canadien, avez-vous eu des contacts avec lui ?

Non !

Ne vous a-t-il jamais appelé ou envoyé de mail, de texto ?

Je n’ai pas de contact avec lui.

Quand les casseroles de Zida ont commencé à devenir trop bruyantes, vous êtes de ceux qui l’ont défendu bec et ongles, disant même qu’il allait rentrer bientôt. Mais on l’attend toujours…

J’ai dit que c’est un Burkinabè et s’il se trouve qu’il est accusé de quoi que ce soit, tôt ou tard il rentrera. Cela ne veut pas dire que je suis en contact avec lui.

Vous-même justement, à titre personnel, êtes accusé de racket et d’extorsion de fonds de certains opérateurs économiques. Allez-vous jurer la main sur le cœur que vous êtes blanc comme neige ?

L’affaire est simple. A la fin de la Transition, il y avait déjà des bruits qui couraient et il se disait que des leaders politiques m’en voulaient. Et à plusieurs reprises, le nom de Salif Diallo est ressorti. Je l’ai rencontré par trois fois. La première fois, la même question Zida était au menu. C’était avant la fin de la Transition. J’ai tenu à dire aux uns et aux autres ce jour-là que ma mission auprès du général Zida consistait à travailler pour le bien de mon peuple. Et je ne suis pas de ces jeunes qui marchent sans regarder d’où ils viennent. Je sais d’où je viens et je sais où je vais. Après que j’ai tenu ces propos, j’ai commencé à me poser beaucoup de questions. Et à d’autres occasions, toujours chez son Excellence Salif Diallo, l’actuel président de l’Assemblée nationale m’a dit qu’il a appris que Zida m’a acheté une voiture 4*4, qu’il m’a construit une maison R+1 et qu’il m’a même donné de l’argent pour organiser mon mariage. J’ai été très choqué. Je me suis dit, qu’après tout ce que j’ai fait pour mon pays, si aujourd’hui on doit venir me juger de cette façon, poser les problèmes de cette façon, c’est écœurant. Mais j’ai pris ce jour le soin de contrôler ma colère, parce que je ne pouvais pas comprendre cela venant surtout de Salif Diallo, que je respecte beaucoup, que j’apprécie beaucoup. Le même jour, quand il m’a reçu, il a fait entrer Ouattara Lassina pour me dire que j’ai trahi.

Qui est Ouattara Lassina pour ceux qui ne le connaissent pas ?

C’est un jeune du MPP, très proche de Salif, qui est aujourd’hui député. Il a dit que c’est par Ouattara Lassina qu’il m’a connu et que j’ai trahi le parti. J’ai rappelé à Son Excellence Salif Diallo que quand j’ai commencé ma lutte, ce n’est pas lui qui me l’avait demandé. Je me suis battu parce que j’ai estimé que j’avais un devoir vis-à-vis de mon pays. Et quand je partais au charbon, je n’ai pas demandé cinq francs à quelqu’un et je n’ai pas risqué ma vie et celle de mes camarades pour quelqu’un mais pour ma patrie ; parce qu’on était conscient du danger que courait le Burkina Faso si nous croisions les bras.

Après donc cette entrevue avec Monsieur Diallo, comme par enchantement, nous apprenons sur les réseaux sociaux et dans certains médias qu’il y a des preuves contre Hervé Ouattara qui attestent qu’il a racketté des opérateurs économiques et certains hommes politiques. Auparavant, j’avais appris qu’on avait demandé de casser le CAR et son président. Je rappelle au passage que les démissions en cascades de notre organisation ont été commanditées. Ce sont les militants du MPP qui étaient tapis au sein du CAR qui ont juste été appelés, pour me dénigrer et mon mouvement avec, parce nous serions incontrôlables. Nous avons pris sur nous-mêmes de garder le silence parce que nous avions senti ce coup venir. Actuellement, il n’y a que Salif Diallo qui cherche à casser les organisations de la société civile.

En toute âme et conscience, je vais vous dire que ce que j’ai gagné sous la Transition et ce honnêtement, à travers mes missions et mon salaire, ce n’est pas une voiture que je ne peux pas acheter. Avoir une voiture au Burkina aujourd’hui, ce n’est pas un luxe. Qu’on dise qu’Hervé Ouattara a arnaqué des gens, qu’on monte des journalistes pour faire des tapages médiatiques sur ça, c’est malsain. Mais je suis serein et je défie quiconque de prouver que je suis auteur de tels actes. Que ces opérateurs économiques dont on parle tant sortent et apportent la preuve de ce dont on m’accuse. Qu’ils disent où et quand et de quelle manière j’ai extorqué de l’argent à quelqu’un. C’est simplement une opération programmée de ternissement de mon image parce qu’ils savent que je sais des choses.

Pensez-vous qu’on vous en veuille au point de dire un tel mensonge ?

Ça, je n’ai pas besoin de vous le dire. Faites vos enquêtes et vous verrez. Après notre dernière conférence de presse, il a encore été demandé à des jeunes dans les arrondissements de trouver des preuves contre moi, parce que cette sortie a été considérée comme un affront.

Apparemment vous aussi, vous vous sentez trahi ?

Oui, je me sens trahi. A l’origine, le contrat social que le président Roch devait signer avec les Burkinabè, ce n’était pas pour nous ramener un régime avec des hommes forts au pouvoir. Ce n’était pas pour nous ramener un homme qui est déifié et vénéré, un homme craint de tous, non. Si nous avons lutté pour que Blaise Compaoré parte, c’était pour asseoir des institutions fortes. Après ce que nous avons traversé, que nous soyons encore au stade du culte de la personnalité, c’est gravement dommage. La trahison, c’est là. Ce n’est pas le pays que nous avons souhaité avoir. C’est pourquoi nous avons d’ailleurs dit que le président Roch doit se ressaisir et composer avec tous les Burkinabè. Il faut empêcher que ceux qui sont venus pour la vengeance, pour la fracture sociale, atteignent leurs objectifs. Nous estimons également que dans cette même logique de justice sociale, d’ancrage de la démocratie et d’institutions fortes, il serait nécessaire que certaines personnes, que nous apprécions, soient assignées en justice afin que nous sachions ce qui s’est réellement passé dans notre pays.

De qui parlez-vous quand vous dites certaines personnes ?

Vous remarquerez que sur tout ce que l’on reproche à Blaise Compaoré pendant les 27 ans qu’il a dirigé le Burkina, on parle toujours de Salif Diallo. Aujourd’hui, pour écrire correctement l’histoire de ce pays, il faut que Salif Diallo et Gilbert Diendiéré parlent. Ce sont ces deux personnes, en parlant, qui peuvent permettre au pays de se reconstituer.

Quand vous dites parler, c’est dans le cadre d’une instruction judiciaire ?

 Bien sûr et j’en viens. C’est pourquoi, au CAR, nous estimons qu’il est extrêmement important que dans le cadre même de l’ancrage de cette démocratie, de la confiance accordée au régime de Roch, que Salif Diallo soit mis à la disposition de la justice. Que son immunité soit levée afin qu’il puisse faire face à cette justice. Il serait peut-être lavé de tout soupçon et deviendrait une référence pour toute la jeunesse burkinabè. Il faut que la loi du plus fort cesse de régner au Pays des hommes intègres.

C’est de graves accusations et ce n’est pas la première fois qu’on en entend parler. Avez-vous des éléments nouveaux ?

Ce n’est pas une question d’éléments nouveaux. C’est en l’entendant que la justice aura ces éléments nouveaux. Pourquoi les gens ont-ils peur de demander à Salif Diallo de s’expliquer ? Nous allons d’ailleurs approcher les différents groupes parlementaires pour leur demander de lever l’immunité du président de l’Assemblée nationale afin qu’il soit entendu par la justice. Nous allons également lancer une pétition dans ce sens.

Vous qui disiez tantôt ‘’savoir des choses’’ c’est particulièrement sur quoi que le président de l’Assemblée nationale doit s’expliquer ?

Il y a d’abord le dossier Dabo Boukary. Son nom y est cité. Pourquoi jusqu’à présent il n’a pas encore été entendu par la justice. N’était-il pas aux côtés de Blaise Compaoré en son temps ? Tout comme il l’était au moment de l’assassinat de Norbert Zongo. Sur presque tous les crimes économiques et même de sang imputables à Blaise Compaoré, Salif Diallo a des choses à dire. Nous devons éclaircir tous ces points afin que nos actions futures soient inspirées par le passé, sinon, dites-moi, en tant que jeunes, quelles leçons de vie nous recevons de ces devanciers-là ? Si nous refusons que Salif soit entendu dans tout ce que je viens de citer, nous devons accepter de continuer sur de mauvaises bases. Et si nous ratons la fondation, c’est clair que les murs ne vont pas tenir.

N’est-ce pas un peu par dépit ‘’amoureux’’ que vous tenez de tels propos puisqu’il semble que sous la Transition vous étiez la courroie de transmission entre le MPP et le CNT. En quoi consistait ce job ?

Vous savez, il y a beaucoup de choses que le peuple burkinabè a besoin de savoir. Il y a beaucoup de choses qui doivent contribuer à l’écriture véritable de notre histoire. Hervé Ouattara, quand on parle de lui, c’est comme une vulgaire personne qui a quitté nulle part et qui s’est retrouvée où elle est. Oui, si aujourd’hui je suis victime d’un certain nombre d’attaques, c’est bien parce que je sais certaines choses. Ce que la Transition a fait pour que nous soyons à ce niveau aujourd’hui, Dieu seul sait. Si la justice doit pousser loin ses recherches, elle trouvera certaines choses et trouvera que certaines personnes sont mêlées même au putsch. Je n’accuse personne, mais je sais qu’il y a eu trop de mensonges durant ces vingt-sept ans jusqu’au lendemain des élections transparentes qui ont conduit Roch Marc Christian Kaboré au pouvoir. Il y a eu tellement de manipulations qu’avec le recul, nous nous rendons compte que nous avons chassé le diable pour laisser la place à des vampires.

Vous n’avez donc pas été le trait d’union entre le CNT et le MPP sous la Transition ?

Chaque chose en son temps, chaque révélation a ses conséquences pour la population. Il y a des moments où il faut dire certaines choses pour faciliter l’aboutissement d’un certain nombre d’événements, et taire certaines choses pour éviter que le pays  soit dans une situation particulièrement difficile.

Autant le CNT a abattu un énorme travail en si peu de temps, autant certains de ces textes, de ces décisions font débat. C’est le cas par exemple de la mise en accusation de Blaise Compaoré pour haute trahison et attentat à la Constitution, qui a été par la suite annulée par la Haute Cour de justice. Comment les législateurs que vous étiez ont-ils pu se tromper ?

Ce n’est pas que le CNT s’est trompé. Pendant la Transition, beaucoup de consultations ont été faites. De nombreux juristes ont été impliqués dans ce travail. Plusieurs personnalités réfléchies ont été également impliquées. Les lois ont été interprétées comme il se devait pour que nous aboutissions à la mise en accusation de Blaise Compaoré.  Hier cela n’a pas posé de problème, parce que ce sont les mêmes juges qui ont accepté la mise en accusation du président Compaoré. Quand la plainte a été déposée, ce sont les mêmes juges qui l’ont reçue. Si un an après on trouve que le président Compaoré ne peut plus être poursuivi, moi, d’abord, ça ne me surprend pas. A ce cafouillage judiciaire, nous nous étions préparés. Vous avez vu comment l’histoire des écoutes téléphoniques entre Guillaume Soro et Djibrill Bassolé a été gérée ? Nous savions que par la suite la mise en accusation de Blaise Compaoré allait connaître le même sort. Ce qui ne va pas nous surprendre non plus, c’est quand on va l’amener et le conduire à Ziniaré parce que nous ne sommes pas loin de cela. Là-dessus, ce n’est pas une question de législateur. Aujourd’hui, c’est de la mascarade politico-judiciaire.

Voulez-vous dire que la politique a pris le dessus dans cette affaire ?

Regardez vous-mêmes. Est-ce que j’ai besoin de vous dire ça. En bon jeune et en bon Burkinabè, il y a des choses qu’on ne peut pas accepter parce qu’aujourd’hui il faut que nous soyons convaincus du fait que nous nous sommes battus de façon à ce que les tares du passé n’empiètent pas sur l’avenir. Mais si ce que nous avons connu par le passé est toujours d’actualité, reconnaissez avec moi qu’il y a un sérieux problème. Quand on suit un peu les instructions judiciaires, on va entendre que des directives sont données au juge Bagoro, le Garde des Sceaux, qui intervient quelque part, ainsi de suite. Personnellement, je n’ai pas les preuves de tout ça. Et c’est la raison pour laquelle je me suis gardé de trop parler de ces histoires d’instruction qui accablent les OSC et certaines personnes au Burkina Faso. Mais ce que nous retenons est qu’en dix mois, ce n’est qu’accusations, injures, calomnies, discrédits que nous avons vécus. Quand tu sors ta tête de l’eau, on trouve toujours quelque chose à te coller et ça fait du tapage partout et on passe à une autre personne. Tout ça rime à quoi ?  Comprenez avec nous qu’il y a des choses qu’il faut qu’on dénonce maintenant pour pouvoir construire le Burkina Faso. Sinon nous sommes mal barrés.

Est-ce tout cela qui vous a motivé à demander la démission du gouvernement ?

Exactement ! Et même ça, nous avons entendu des gens dire qu’il n’appartient pas aux OSC de demander la dissolution du gouvernement. Mais quand on marchait pour faire partir Blaise Compaoré, est-ce que les OSC étaient dans leur rôle ? Pourquoi en son temps on n’a pas été critiqués ? C’est parce que ça arrangeait des gens. Aujourd’hui, comme par magie, on dit que les OSC ne peuvent pas demander la dissolution du gouvernement comme si elles ne sont pas constituées de citoyens burkinabè. Un Burkinabè dans ce pays peut demander à un gouvernement de partir parce qu’il n’y trouve pas son compte. Le ministre de la Santé, par exemple, doit être démis. Regardez le cafouillage qui se passe avec la CAMEG. Vous pensez que ce sont ces ministres dont nous avons besoin dans ce Burkina post-insurrection ?

Des ministres qui cafouillent, qui mettent la vie des populations en danger, nous n’en voulons pas. Combien de ministères sont touchés par des manifestations tous azimuts.  Même au ministère de la Communication dont vous relevez, il y a eu combien de sit-in ? On a besoin d’un gouvernement qui vient avec une mission claire et précise. Ce n’est pas un gouvernement de complaisance, où on fait venir des amis de gauche à droite, que nous voulons. Regardez l’attribution des marchés au Burkina Faso. Ce sont les mêmes qui sont toujours bénéficiaires. Voyez le  tapage  autour de la Chambre de commerce actuellement ; ce sont ceux qui ont financé certaines personnes qui sont au pouvoir aujourd’hui qui reviennent à la charge. Quand nous apprenons qu’Apollinaire Compaoré est candidat à la présidence de l’institution ; que Kadhafi l’est aussi, c’est dommage. Kadhafi, c’est l’homme de Salif Diallo. Il faut aussi que les gens comprennent que nous ne critiquons pas parce que nous voulons critiquer. Nous avons constaté des choses à un certain moment et avons accepté d’aller au charbon. Et quand nous partions au charbon, la majeure partie de ceux qui gèrent aujourd’hui n’étaient pas dans ce pays. Pour certains, c’est depuis l’étranger qu’ils appelaient pour voir comment ça se passe. Et c’est eux aujourd’hui qui nous donnent des leçons de morale. J’ai vu un la dernière fois à la TNB, Béchir  Ismaël Ouédraogo (NDLR : député MPP)  qui se permet de dire que les OSC doivent trouver du travail à faire. Voilà un monsieur que je respecte, qui se cachait derrière nous pour sortir de sa maison. Qui sort aujourd’hui parce qu’il est député, pour prétendre donner à la jeunesse du Burkina Faso et aux OSC la conduite à tenir. Il est très mal placé pour ça.

D’aucuns pensent que vos récriminations seraient dues  au fait que vous n’avez pas encore eu votre part avec le pouvoir actuel. Vu que vous étiez en bons termes avant l’accession de Roch à la présidence, des promesses ont été peut-être faites.

Je défie quiconque au MPP de prouver qu’Hervé Ouattara est venu avec son CV espérant obtenir tel avantage ou poste. J’étais au ministère de l’Administration territoriale et on vient de m’enlever de là-bas. J’ai rencontré Simon Compaoré, le premier responsable, et il m’a demandé où je veux aller. Je lui ai dit que je veux continuer mes études. Il m’a dit d’aller voir le président. Je n’ai pas demandé à être nommé quelque part. Jamais ! Il faut que les gens soient sincères. Ce qui avait été promis à la jeunesse dans ce nouveau contrat social, ce n’était pas un surhomme qui tire toutes les cordes de tous les côtés. Ce qui avait été prévu, ce n’est pas la fracture entre la jeunesse burkinabè où il y a deux camps qui se tirent dessus à boulets rouges. Ce n’est pas la fracture entre les partis politiques non plus. Les gens ont voté Roch pour une chose : le consensus qu’il incarnait. Mais en bas, il y a des vengeances qui se préparaient.  Et c’est ça que nous dénonçons afin qu’on travaille et qu’on fasse avancer le pays. Tant que les choses ne seront pas claires, tant que nous n’allons pas comprendre réellement ce qui s’est passé durant ces 27 ans, tant que Salif Diallo ne s’expliquera pas et tant qu’il ne va pas cesser les manipulations, ce pays ne va jamais se construire. Et je peux vous assurer que le pire n’est pas loin.

Interview réalisée par :Mohamed Arnaud Ouédraogo & Lévi Constantin Konfé

L’Observateur Paalga

 

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